Femmes Valdôtaines

Le mouvement en ligne

1990

8 mars 1990

Renouvelons notre engagement

La journée du mimosa, qui suscitait, il y a quelques années seulement, des commentaires trop souvent ironiques, ce 8 mars que les hommes en général – et, il faut l’avouer, quelques femmes – ne prenaient guère au sérieux et qui était l’occasion de revendications acharnées et de manifestations éclatantes, est devenue désormais une fête acquise, que l’on célèbre généralement par des rencontres-débats, des rendez-vous musicaux ou des agapes se terminant par des soirées dansantes.

C’est cette dernière initiative que l’Entraide a toujours privilégiée, en choisissant d’offrir à la femme un moment de détente et une occasion pour retrouver ses amies. Les hommes aussi sont de la fête et les enfants également peuvent participer à cette soirée sous le signe de la gaieté et de l’amitié.

Cependant l’Entraide a toujours su profiter de cette occasion pour lancer un appel, soutenir une initiative, adresser un message, car le 8 mars ne peut être banalisé et beaucoup reste encore à faire pour le respect des droits humains (y compris ceux de la femme).

Le 8 mars a perdu, au fil des années, son caractère batailleur et dans une certaine mesure, c’est normal puisque les femmes ont atteint certains des objectifs qu’elles se proposaient, mais il me semble également qu’il existe à présent un certain désintérêt pour les problèmes importants qui sont encore à résoudre et pour les nouveaux qui se posent.

Le 8 mars même est de plus en plus dépourvu de ses moments propositifs et on le fête presque comme s’il s’agissait d’une simple commémoration. Et peut-être il s’agit bien de cela : le souvenir des batailles d’il y a dix, quinze ans, des droits qu’on défendait, droits qui, à présent, semblent acquis mais qui en réalité sont constamment menacés par des intérêts multiples, – politiques, économiques et sociaux – à l’échelon mondial.
Si ces droits ont résolu des problèmes tels que celui de l’indépendance économique de la femme, qui lui a permis de s’affranchir, ils ont multiplié aussi ses tâches, en engendrant d’autres problèmes.

Or, il me semble que nous sommes devenues quelque peu indifférentes, comme si le besoin d’identification féminine qui a marqué nos luttes avait été résolu.
Bien sûr, on se plaint encore des crèches trop peu nombreuses, de l’insuffisance du personnel des centres de consultation, des services sanitaires et sociaux inadéquats, etc., mais que faisons-nous pour améliorer la situation ?

Déceptions, manque d’enthousiasme et conséquent rempli sur soi-même, regret pour les « barrages » d’antan…
Je parle évidemment de la condition de la femme occidentale, car ailleurs la situation est bien différente. Ailleurs on cloue le voile sur la tête des femmes qui refusent de le porter, on lapide les adultères, on brûle les veuves, on massacre les nouveau-nées, on mutile les jeunes filles. Ailleurs c’est la famine, l’esclavage séculaire et la guerre avec ses horreurs. Tandis que nous nous berçons dans le souvenir de batailles communes, sur cette planète des femmes vivent ces drames inimaginables.

Or, ce que nous pourrions faire, c’est lutter pour la paix et pour la tolérance, en aidant ces femmes à devenir libres.
J’avoue que j’ai observé avec sympathie les actuelles protestations des étudiants, ce qui prouve que les événements de 68 peuvent encore se reproduire. Si les événements de la vie « vaccinent » les adultes contre l’enthousiasme et l’engagement, les jeunes prennent la relève. La place de Tien-An-Men est, malheureusement, un témoignage héroïque du dévouement et des sacrifices généreux de la jeunesse. Et c’est à celle-ci que l’Entraide s’adresse en particulier.

Enfance abandonnée, délinquance, misère, guerre, exploitation cynique des organes humains, catastrophes nucléaires, destruction de l’environnement, le monde approche de l’an 2000, avec une insouciance imbécile et un égoïsme criminel.
L’humanité est en danger et elle a besoin, maintenant plus que jamais, de défenseurs qui sensibilisent l’opinion publique à ces problèmes.

Les femmes ne peuvent rester des spectatrices insensibles sous peine d’être complices et d’en subir les conséquences comme leurs aïeules ; elles peuvent, par contre, changer les choses par leur engagement à côté des hommes dans une entente solidaire pour sauver ce qui est encore sauvable.

Arlette Réal

Tiré du Peuple n. 8 du 1/3/1990