1997
Les femmes de l’Union Valdôtaine toujours unies
Aucune querelle entre femmes à la Conférence Nationale
Ce n’est certainement par vaine polémique que j’interviens en réponse à l’article paru dans La Vallée Notizie de la semaine dernière à propos de l’art. 7 du Statut de l’Union Valdôtaine sur la présence des femmes, mais seulement peut-être parce que je suis soucieuse de mes trois casquettes, déléguée de la section de Roisan, représentante effective de l’Entraide des Femmes Valdôtaines au sein de la Conférence Régionale Féminine et enfin conseillère pour la parité des chances, nommées par le Ministère, j’estime opportun d’éclaircir les événements : avant tout aucune querelle entre femmes, mais un comportement sérieux, politique, critique, respectueux de tous les amendements présentés (y compris ceux sur l’art. 7 du Statut) et par conséquent de toutes les idées exprimées par les différents délégués.
A propos de l’art. 7 en question je dois avouer que je partageais l’amendement présenté par Laure Duc, tout simplement parce qu’il était plus adapté et plus adhérent à la réalité de nos jours. J’ai discuté avec ma voisine de chaise, Mme Luciana Casagrande, aussi à la suite de l’intervention de Mme Adriana Viérin qui partait d’un noyau de fond peu partageable par tout le monde : les femmes ne sont pas des personnes à protéger, ne sont pas des « pandas » (le pourcentage a été d’ailleurs déclaré, heureusement, inconstitutionnel), voire en extinction, mais qui a conduit à des votations opposées ; la mienne pour le maintien de l’art. 7 et celle de Luciana pour sa suppression.
Les motivations d’un choix si différent dépendent aussi des expériences que chacun (on ne doit pas oublier que les hommes aussi ont voté) de nous a eu l’opportunité de vivre le long de son existence. Vu qu’on était là à la Conférence Nationale pour parler de politique, moi j’ai tout simplement réaffirmé l’importance politique de l’art. 7, pure et simple énonciation de principes qui, comme tous les principes, laisse le temps qu’elle trouve. Personnellement, je remercie Adriana Viérin pour son intervention : nous avons besoin au sein de l’Union Valdôtaine de personnes qui débattent, qui expriment publiquement, sans crainte, leurs idées.
Anna Bioley
Tiré du Peuple n. 3 du 23/01/1997
Demain, les femmes
Un journaliste d’un hebdomadaire valdôtain me demandant mes impressions sur ma récente nomination à vice-président de l’Union Valdôtaine envisageait un retour des femmes sur la scène politique unioniste et rappelait, à ce propos, deux grandes figures féminines qui ont contribué à faire l’histoire, non seulement de notre mouvement, mais de la Vallée d’Aoste entière : Madame Céleste Perruchon et Mademoiselle Ida Viglino.
Madame Chanoux a été, pendant des années difficiles pour l’Union, la seule représentante de notre mouvement élue au Conseil de la Vallée et Mademoiselle Viglino, un des plus vaillants assesseurs de l’Instruction Publique que notre région ait jamais eus. Donc, deux femmes extraordinaires, fortes et exceptionnellement douées. Deux Valdôtaines qui ont su percer la foule compacte des hommes en des temps où la « pari opportunità » n’existait pas.
De mon temps, je ne me suis jamais aperçue de l’existence, dans le milieu politique unioniste, d’aucune forme d’intolérance misogyne ou de discrimination évidente. Au contraire, à un certain moment, on avait même introduit des règles pour garantir et favoriser la présence des femmes à l’intérieur des organes du mouvement.
Règles qui ont été, par la suite, presque entièrement rejetées par une grande partie des femmes mêmes, qui avec fierté ont repoussé la conception « machiste » de la femme en tant qu’individu nécessitant de tutelle et de protection.
En plus la nomination d’une femme normalement douée, qui ne présente aucun caractère exceptionnel – je l’affirme comme je la connais bien, à la charge de vice-président de l’Union Valdôtaine – devrait faire songer à une sorte de normalisation de la présence féminine en politique.
Et pourtant cela ne correspond pas exactement la réalité. Au sein du Conseil Fédéral les femmes sont une nette minorité, dans la plupart des Comités de direction des sections leur nombre est exigu et parfois même inexistant. Au Conseil de la Vallée, sur 35 membres, il n’y a qu’une femme et elle n’est pas unioniste. Le renouvellement du Conseil communal de Courmayeur du 9 novembre dernier a vu une seule femme, Alessia Di Addario, parmi les 19 élus.
Ce sont des données objectives qui mériteraient une réflexion, que nous soyons féministes, anti-féministes, post-féministes ou allergiques aux étiquettes. Evidemment une forme sournoise de discrimination existe, peut-être qu’il s’agit même d’auto-discrimination.
Jacques Lang, ancien Ministre de la Culture du Président Mitterand, dans son livre « Demain, les femmes… » affirme que « dans le privé comme dans la fonction publique, cher la femme et surtout la promouvoir est un vrai casse-tête. D’abord ce n’est pas l’habitude : les hommes pensent aux hommes pour le plus hauts postes. Ensuite les femmes répugnent encore trop souvent à se mettre en avant. On ne peut compter sur la seule évolution des esprits pour que se réalise un véritable partage du pouvoir politique et administratif entre les deux sexes. Seules des lois réussiront à briser l’inertie des mentalités ».
Or, tout en partageant la globalité de ces propos, je suis douteuse sur la dernière affirmation. A mon avis le propulsif qui pourra « briser l’inertie des mentalités » sera la détermination des femmes. Seule une prise de conscience, de la part des femmes, de la nécessité qu’elles participent activement à tous les aspects de la vie politique, pourra faire avancer dignement notre société.
Patrizia Morelli
Tiré du Peuple n. 42 du 13/11/1997
50e Anniversaire de l’Union Valdôtaine
La Conférence Nationale d’Aoste
Message de Mme Wanda Jacquemod, représentante de l’Entraide des Femmes Valdôtaines
Depuis 1946, les femmes ont le droit de voter ; quant à exercer le droit d’être élues, cela a été beaucoup moins automatique, même si les jeunes femmes de nos jours considèrent comme acquis certains droits pour lesquels leurs mères ont dû se battre âprement.
C’est pourquoi nous estimons utile de commencer par un survol, encore que très succinct, de l’engagement politique et social des femmes valdôtaines, avant de placer l’accent sur l’activité des femmes au sein du Mouvement de l’Union Valdôtaine et sur leur position actuelle.
Nous voulons ici rappeler les femmes qui œuvrèrent contre le Fascisme pour la défense du particularisme valdôtain dans le cadre de la Jeune Vallée d’Aoste, et surtout celles qui prirent part activement à la Résistance, telles que Maria Ida Viglino et Marie Nouchy. Mais déjà avant, les femmes côtoyèrent les hommes à maintes reprises, quand il s’agissait de défendre les privilèges accordés au peuple valdôtain (et toujours systématiquement rétractés) tout comme les droits les plus élémentaires face auxquels le pouvoir central des Ducs de Savoie et plus tard des Rois de Sardaigne apprit vite à faire la sourde oreille. Peut-on oublier la présence des femmes lors des insurrections des Socques, véritable cri de désespoir d’un peuple affamé, abandonné par une dynastie toujours plus éloignée de nos montagnes ?
Après la deuxième guerre mondiale, et plus précisément en 1946, avec l’obtention du droit de vote, la présence des femmes dans les rangs politiques se fait plus concrète : dans la droite ligne des idéaux de la Résistance, les femmes participent aux manifestations pour la reconnaissance du droit de souveraineté du peuple valdôtain. Dès la constitution du premier conseil régional, certaines d’entre elles sont là : Maria Ida Viglino, Céleste Perruchon et Anaïs Ronc Désaymonet.
Au fil des années, la participation féminine augmente, encore que timidement sur l’ensemble du territoire, en s’élargissant aussi aux conseils communaux : c’est ainsi qu’aux dernières élections communales, sur 387 candidates, 158 femmes ont été élues. Actuellement, les conseillères communales en Vallée d’Aoste sont 169, dont une centaine dans les listes de l’Union Valdôtaine.
Vers la fin des années 70, influencées par les ébranlements survenus un peu partout en Occident, les femmes valdôtaines ont ressenti aussi la nécessité de se réunir, afin de se reconnaître et de se situer dans le foisonnement des groupes féminins, en affrontant les problèmes de l’émancipation féminine et des relations de la femme à la famille et à la société sous un angle valdôtain, c’est-à-dire sans oublier nos valeurs traditionnelles, et plus en général notre culture. C’est la naissance de l’Entraide des Femmes Valdôtaines, en 1978.
L’Entraide a joué un rôle important : elle a participé à la rédaction des thèses des Congrès de l’Union Valdôtaine, elle a signé de nombreux articles et communiqués de presse retenant l’attention de l’opinion publique, elle a organisé des débats et des fêtes, voilà la preuve de sa présence constante dans la vie sociale et culturelle. De plus, en tant qu’association collatérale de l’Union Valdôtaine, elle a contribué à diffuser nos idéaux dans la société.
Les associations féminines des années 80 étaient encore marquées par un enthousiasme soixante-huitard, ce qui a permis aux jeunes femmes de nos jours de se frayer un chemin dans le panorama politique actuel.
A présent, les femmes semblent chercher d’autres formes d’engagement.
Un groupe d’adhérentes de l’Union Valdôtaine a ressenti la nécessité de ranimer la flamme de l’idéal valdôtain en rappelant l’identité de notre peuple par de simples initiatives, telles que la fête du 8 mars dernier, organisée en collaboration avec l’Entraide et dédiée à Maria Ida Viglino et à Armandine Jérusel.
Ce groupe, qui a participé aux travaux de la Commission pour le Cinquantième Anniversaire de l’Union Valdôtaine a actuellement envisagé d’autres initiatives : parmi celles-ci, nous citons la campagne pour une prononciation et une écriture correcte des patronymes et des toponymes valdôtains.
Le but de ce groupe est de solliciter le Mouvement à se pencher davantage sur la nécessité de sauvegarder la culture valdôtaine, sans laquelle notre peuple cesserait tout simplement d’exister. L’Union Valdôtaine, première force politique en Vallée d’Aoste, doit utiliser davantage son pouvoir pour défendre le patrimoine historique, culturel et la richesse ethnolinguistique de la Vallée d’Aoste.
Or, étant donné qu’un mouvement politique tel que l’Union Valdôtaine est censé représenter quelque chose de plus qu’un simple parti, nous demandons d’envisager des actions finalisées au maintien de la conscience ethnique valdôtaine. Nous voulons que les jeunes générations aient la conscience de leur identité valdôtaine, à savoir la fierté d’appartenir à un peuple et à un mouvement qui ont su se défendre.
Nous exigeons que dans l’Europe de demain la Vallée d’Aoste ait une identité bien précise, car nous sommes une nation, la nation valdôtaine.
Notre Pays est pour nous le plus beau pays du monde et nous sommes les seuls au monde à parler, et donc à pouvoir défendre, notre patois, noter langue maternelle, ce langage « secret » (incompréhensible au-delà de Pont-Saint-Martin comme au Japon) qui est le chant du terroir. Nous nous devons de défendre tout ce patrimoine ! C’est pour cette raison que nous sommes ici aujourd’hui, à vos côtés, Messieurs, pour vous dire ceci : en dépit de toute difficulté, de tout problème, allons de l’avant. Tant que nous serons unis, nous serons forts : union est synonyme de force. Alors, serrons nos rangs !
Tiré du Peuple n. 43 du 23/11/1995