Union Valdôtaine

Le mouvement en ligne

1979

1er Congrès National 1979

RAPPORT DU PRESIDENT JOSEPH-CESAR PERRIN AU NOM DU COMITE EXECUTIF

Lorsque pendant les mois de l’été 1945 les desseins du nouvel Etat italien se précisèrent peu à peu, les autonomistes valdôtains s’aperçurent que le statut d’autonomie dont le VDA aurait dû jouir ne répondait pas à leur expectative. Les antifascistes de la première heure, ceux qui s’étaient formés idéologiquement et doctrinairement au sein de la Jeune Vallée d’Aoste et qui dans la lutte d’abord clandestine puis ouverte de libération valdôtaine avaient posé à la base de leur action deux postulats – autonomie et fédéralisme -, s’étaient bien tôt avisés de la supercherie et de la fraude dont les Valdôtains allaient être les victimes. L’ « autonomie », vantée par le Gouvernement comme démonstration du nouveau cours de l’Etat italien qui aurait dû se poser en antithèse de l’Etat tyrannique et centralisateur fasciste, n’aurait été en réalité qu’un pitre décentralisation. De plus tout aurait été fait sans le consentement, voire contre la volonté des Valdôtains. L’état fasciste était tombé, mais le fascisme, cette maladie du peuple italien – ainsi que l’avait défini le martyr Emile Chanoux – survivait à travers le centralisme, la bureaucratie, l’écrasement des collectivités mineures, le manque de respect envers les communautés ethniques et linguistiques qui au lieu d’être libérées auraient continué d’être minorisées au sein de l’Etat, moloch unitaire et indivisible.

Les Valdôtains les plus conscients comprirent que la lutte devait être reprise et continuée ; qu’il appartenait à notre peuple de se donner son propre statut politique ; qu’il fallait donc lui procurer un instrument pour poursuivre la lutte. Cet instrument fut l’Union Valdôtaine.
Or, après plus de 33 ans de vie, nous devons nous demander si notre Mouvement a su répondre à cette attente et atteindre ses buts. Evidemment notre analyse serait trop superficielle et nous pécherons, à tous le moins, de démagogie si nous répondions tout simplement de façon affirmative. Le fait que après 33 ans le transfert des compétences attribuées à la VDA ne soit pas encore complet, que dans plusieurs domaines la situation ait empirée, que l’ «autonomie» ait souvent fait perdre la conscience du particularisme valdôtain, qu’elle ait fait oublier certaines valeurs qui faisaient de nous un peuple fier et libre pour en embrasser d’autres qui nous réduisent souvent à mendier, est malheureusement la démonstration évidente que l’UV n’a pas en ces années rejoint ses buts. Mais qu’en aurait-il été sans l’UV ? Est-ce que la situation dans laquelle nous nous retrouvons n’aurait pas été pire?

Nous pouvons répondre sans crainte d’être démentis qu’en ces 33 années notre Mouvement a été la force trainante, que grâce à son action et à son exemple même les partis contraires aux autonomies et à l’autonomie valdôtaine en particulier ont dû se ranger de notre côté. Si désormais l’idée du droit des Valdôtains et l’autonomie est devenue irréversible, c’est encore grâce à l’UV. Et c’est aussi à elle que nous devons le saut de qualité de la doctrine autonomiste que les adversaires mêmes ont dû embrasser pour ne pas perdre de contact avec la réalité valdôtaine.

Les causes de l’imperfection sont multiples : indentification entre Mouvement et Administration Régionale, complète absorption dans cette administration, éloignement de la doctrine autonomiste et fédéraliste, isolement et manque de contacts avec les autres communautés ethniques, une certaine lassitude dans la lutte autonomiste, facteurs auxquels il faut ajouter l’action désagrégeante des partis italiens et nos scissions au cours des dernières 10/15 années. Mais elles ne doivent pas être le prétexte pour une simple justification du passé. Elles doivent au contraire nous servir pour ne pas commettre de nouveau les mêmes fautes et pour poursuivre une action qui nous amène finalement aux buts que l’UV se propose.

Des faits nouveaux sont intervenus qui nous obligent à revoir notre position. La réunification des anciens tronçons de l’UV, la confiance que l’électorat valdôtain nous a donné lors des dernières élections politiques régionales, la solidarité qui doit nous lier au réveil des communautés ethniques et linguistiques nous imposent le devoir de radicaliser notre lutte, nous engagent à une dédition complète à la cause valdôtaine, nous forcent à parcourir sans faiblesse le chemin de la construction européenne et fédéraliste.
L’UV ne peut en effet se contenter d’une politique du jour le jour. Elle doit donc se fixer des buts – les uns lointains, les autres immédiats – à rejoindre et elle doit ensuite travailler uniquement à cela. L’UV doit dans les années futures modifier la réalité valdôtaine, aujourd’hui compromise, pour redonner à notre peuple son ancienne conscience, ses valeurs, sa capacité de s’autogérer qui dans le passé en ont fait une communauté particulière dans le cadre de la nation savoyarde.
C’est à ce 1er Congrès National qui revient la lourde tâche de poser les jalons de notre résurrection. Le C.N. est en effet le pouvoir constituant du Mouvement, auquel revient d’établir les directives politiques générales et le programme d’action de l’U.V., suivant les lignes maîtresses dictées par ses principes: épanouissement du caractère ethnique et linguistique du peuple valdôtain, en servir les intérêts culturels, politiques, sociaux et économiques, coopération entre les communautés ethniques, réalisation de la souveraineté politique du VDA dans un cadre fédéraliste d’une Europe unie des peuples.

Ce congrès doit donc indiquer essentiellement deux choses : d’abord la voie à suivre, pour rejoindre cette complète autonomie, ensuite les contenus par lesquels nous voulons remplir progressivement notre chemin et le stade final de note avenir : le fédéralisme intégral soit le socialisme libertaire et fédéraliste.
Qu’il nous soit permis, avant de procéder à la définition de notre voie et de nos buts, de faire quelques considérations à l’égard du modèle de société nouvelle que nous préconisons et qui a toujours été non seulement dans notre programme, mais dans notre origine même. Nous pourrions aussi affirmer que le fédéralisme est une constante du peuple valdôtain, due à notre appartenance aux Etats de Savoie, qui étaient un Etat fédéral ante litteram. En effet à l’intérieur de l’unité nationale, les patries qui composaient la Savoie historique jouissaient des plus amples libertés. Cette double appartenance, cette conscience de la diversité dans le respect de l’unité, cette recherche d’autogouvernement de la patrie particulière dans le maintien de la fidélité à l’Etat national ont engendré dans l’âme et le caractère des Valdôtains cet esprit fédéraliste, composant de la personnalité de notre peuple.

Quant à l’Union Valdôtaine elle plonge ses racines dans la doctrine fédéraliste. Héritière de notre passé et de la pensée politique de la Jeune Vallée d’Aoste, de l’Abbé Trèves – exemple merveilleux de prête bien enraciné dans son milieu et fidèle interprète de l’âme de son peuple – d’Emile Chanoux martyr de la résistance valdôtaine, de cette résistance qui ne s’est pas arrêtée en 1945 mais qui doit continuer, l’UV a toujours recherché ce modèle de société fédéraliste. Nous avons d’ailleurs essayé depuis longtemps de divulguer notre pensée à cet égard à travers les écrits, des cycles de conférences et des débats.

Or très souvent certains partis italiens qui ont l’habitude de nos appeler «un mouvement local» – donnant à cet adjectif non une signification géographique, mais un sens péjoratifs – nous ont tourné en dérision pour notre attachement à la doctrine fédéraliste. Mais ces mêmes partis stato-nationaux – soi-disant grands producteurs de pensées par rapport à la pauvreté doctrinaire des «movimenti locali» – ont fini pour se rapprocher toujours plus des doctrines que ceux-ci ont acceptées et élaborées depuis longtemps.

L’UV a en effet suivi attentivement le long débat idéologique qui a animé la scène politique italienne pendant le dernier semestre de l’année dernière et qui n’a pas l’air de s’assoupir. Eh bien, vous l’avez vu, les partis de la gauche historique commencent à accepter certains principes de la doctrine fédéraliste. Ils sont en train d’élaguer leur ancien bagage doctrinaire sur lequel ils essaient de greffer notre fédéralisme intégral.

Le PCI s’éloigne progressivement du socialisme soviétique et il parle une «voie italienne» au socialisme, voie qui serait démocratique. Mais aux accusations de Craxi d’être encore un parti léniniste et donc totalitaire, il n’a su que répondre très évasivement. Pour l’instant le détachement du léninisme n’a consisté qu’en l’abandon d’un trait d’union entre marxisme et léninisme. C’est bien trop peu pour donner des assurances de parfaite démocratie !
Le PSI semble avoir fait des pas plus longs et son patrimoine idéologique se remplit toujours plus d’éléments fédéralistes. A l’instar du PSF, il vient par exemple d’accepter les thèses sur l’autogestion et tout au long de ce débat le secrétaire Craxi a appuyé ses argumentations en citant Proudhon, le père du fédéralisme intégral, jusqu’ici complètement oublié par le PSI.

Nous n’avons pas besoin de dire que Proudhon et l’autogestion étaient entrés depuis longtemps dans notre vocabulaire et dans notre doctrine avant que d’autres s’en emparent. Cesserons-nous donc d’être un mouvement «local» vu que les idées que nous défendons de «locales» qu’elles étaient ont tout l’air de devenirs généraux?
Passons maintenant à l’analyse de la voie et des contenus et examinons la première en nous insérant encore une fois dans le débat idéologique entre le PCI et le PSI. Selon Berlinguer, le PCI recherche le socialisme à travers une troisième voie, dite «voie italienne», admettant ainsi la possibilité d’une infinité de voies menant à une société socialiste. Il y aurait ainsi une voie soviétique, une voie italienne, une voie française, une voie portugaise et ainsi de suite. Selon la logique de Berlinguer il y aurait même une voie valdôtaine, mais nous craignons que la fédération communiste d’Aoste ne lui pardonnerait pas cette concession. Le PSI, par la bouche de Craxi, de Signorile, de Norberto Bobbio, de Pellicani, a démenti cette thèse du PCI affirmant qu’il ne peut pas exister une troisième ou énième voie. Et il a raison. En effet dans la construction d’une nouvelle société il faut nettement distinguer la voie qu’il faut parcourir pour y parvenir et les buts que l’on se pose, c’est-à-dire les contenus de cette société même.

Or s’il est vrai que les types de sociétés peuvent être multiples – capitalisme, socialisme, social-démocratie, fédéralisme, etc., – les voies ne peuvent être que deux : la voie totalitaire et la voie démocratique. Une société ne peut être formée que par l’imposition et l’oppression du peuple concerné ou bien par la participation et le consentement de celui-ci.
Pour ce qui nous concerne le choix est facile. Notre peuple, nation sans Etat, manquant de pouvoir et de souveraineté et étant à la recherche de son identité, ne peut pas imposer une voie totalitaire. La recherche d’une société nouvelle venant de lui-même, cette voie ne pourra être que démocratique.

Mais que signifie «voie démocratique» si non suivre le penchant naturel de chaque peuple, c’est-à-dire suivre la constante historique de ce peuple même. Or pour la VDA cette constante a été une seule : la recherche d’autonomie, la volonté d’autogouvernement dans la conscience d’une personnalité nationale et ethnique marquées.
La méthode que nous devrons employer pour la poursuite de cette voie doit donc tenir compte de cette constante. Quant aux moyens, dès que l’on s’est posé une méthode et des buts démocratiques, quels qu’ils soient, puisqu’ils secondent un désir et un besoin du peuple même. Quant à la première, de par notre passé et la constante de notre idéal autonomiste, nous devons parvenir à instaurer une société fédéraliste à travers l’autonomie. Encore faut-il voir quel genre d’autonomie.

Après les procèdes centralisateurs de la cour de Turin et le centralisme bureaucratique du Gouvernement italien depuis l’Unité italienne, les Valdôtains dans leur recherche d’autogouvernement ont procédé par degrés : d’abord une simple décentralisation (XIX siècle – 1919), puis une requête de régionalisation, ensuite d’une autonomie cantonale et enfin celle de la souveraineté nationale au sein d’une Europe unie de type fédéral. Ce n’est que celle-ci que nous devons envisager.

En effet la simple décentralisation n’est plus valable que dans les petites collectivités. La régionalisation et le statut d’autonomie cantonale n’est valable que pour les divers organismes constituant une collectivité bien homogène, c’est-à-dire pour des groupements bien définis à l’intérieur d’un Etat dont la composition est parfaitement uniforme. Mais là où les communautés nationales débordent les confins de l’Etat dans lequel, le plus souvent, ont été englobées contre leur volonté, là où la nationalité se situe à chevauchons sur deux ou plusieurs Etats, même cette forme d’autonomie n’est plus suffisante. C’est notre cas.

La Vallée d’Aoste à travers une longue évolution et un progrès constant dus à des choix autonomes a su se constituer en communauté autonome et bien personnalisée, la « Patrie Valdôtaine», au sein d’une communauté historique plus vaste à formation culturelle et socio-économique franco-alpine, la « nation savoyarde », appartenant par ses caractères de civilisation et de langue à un groupement plus vaste encore, l’ « ethnie française ». Or si nous ne voulons pas renoncer à ces appartenances, notre autonomie doit sortir des bornes étroites de l’état-nation : nous devons demander de nous constituer en nation souveraine. En effet selon Andrea Chiti-Batelli, “una Regione è infatti tale solo se è inserita in un situazione, in un sistema politico, amministrativo, giuridico, sociale, economico, monetario coerente e unico. Tale sistema non deve essere, certo, unitario e centralistico, giacché altrimenti esso diviene soffocante: proprio per questo siamo per il superamento dello Stato nazionale in una Federazione Europea. Ma se tale sistema non esiste, e la regione in questione è divisa fra due o più Stati sovrani, viene a mancare, quale che sia la volontà di questi, quel quadro di unità esterna senza di cui anche l’organica unità della Regione è impossibile, come è impossibile una sua amministrazione realmente unica e un esercizio coerente ed efficace, da parte di questa, delle sue competenze e dei suoi poteri, analogo a quello delle amministrazioni delle regioni vere e proprie”.

La division de cette nation sous trois légalités différentes, même si les trois tronçons devaient jouir au sein des Etats respectifs d’une large autonomie, nous serait défavorable. Seulement la reconstitution de la vieille nation savoyarde peut nous permettre de devenir pleinement responsables de notre avenir et de rester fidèles à notre constante historique. Il est clair que lorsque nous parlons de souveraineté, c’est dans la signification et la perspective fédéralistes que nous le faisons. Il ne s’agit pas pour nous de créer un Etat semblable aux actuels et qui par sa faible dimension deviendrait bien vite la proie des appétits des grandes forces économiques rendant ainsi purement illusoire son indépendance.

L’accession à une autonomie complète doit être conduite parallèlement à la construction de la Fédération Européenne dans laquelle le caractère plurinational, les tendances pluriculturelles, les structures fédérales éviteront à la foi les dangers du centralisme et de l’oppression et ceux de la dispersion et du fractionnement.
Si d’un côté nous acceptons la position des socialistes italiens quant au concept de voie au socialisme, de l’autre nous leur reprochons, pour ne parler que d’eux, de n’avoir pas conduit leur analyse jusqu’au but. L’on ne peut pas parcourir une voie démocratique et populaire au socialisme si l’on n’a pas le courage de détruire son antithèse qui est représentée par l’Etat actuel, jacobin, centralisateur et donc, que l’on veuille ou non et dans une mesure plus au mois grande, totalitaire. Il y a nette incompatibilité entre autonomie régionale – où la région acquiert un sens européen et n’est plus seulement une structure politico-administrative des actuels Etats – et l’unité de l’Etat-nation. Si nous croyons, ainsi que le disent ceux qui ont la prétention de citer Proudhon, que le socialisme libertaire ne pourra s’instaurer que dans une fédération Européenne, nous devons aussi avoir le courage et la volonté de modifier les structures, les fonctions, les dimensions de nos Etats. «Non si può fare l’Europa – disait Georges Goriély – se, in larga misura, non si disfanno gli Stati attuali, non se ne trasforma nel fondo la loro struttura interna, il loro regime amministrativo, l’idea che essi hanno del loro ruolo, della loro importanza e della loro missione. Tre condizioni sono necessarie perché si instauri un vero ordine federale: a) che nessuno Stato abbia possibilità egemoniche; b) che nessuno abbia possibilità di secessione; c) che nessuno senta una vocazione storica e culturale esclusiva. Orbene, nessuna di queste condizioni sarà realizzata se si uniranno, pur sotto una costituzione formalmente federalista, gli Stati quali sono oggi”. On peut citer encore Chite-Batelli qui prévoit: “La necessità che le etnie piccole e medie siano costituite ciascuna in un proprio Stato membro, se così esse chiederanno……….; mentre le grandi o macro-etnie, come quella italiana o francese, dovranno essere divise in diversi Stati membri, secondo la loro suddivisione interna in sub-etnie”.

Celle-ci était d’ailleurs la position de Proudhon; cet initiateur du fédéralisme politique, économique et ethnique, c’est-à-dire d’un fédéralisme que nous pouvons déjà qualifier intégral, disait en effet que la Fédération Européenne aurait dû être une fédération de fédérations, c’est-à-dire que les membres de la Fédération n’auraient pas dû être les Etats eux-mêmes, mais les collectivités naturelles qui forment ceux-ci.
Notre voie est donc tracée. Elle est la seule qui puisse répondre à ce besoin de « self-government » que le peuple valdôtain, comme la grande partie des peuples alpins, a toujours ressenti et recherché comme unique possibilité de progrès.
Nous nous rendons compte que nous ne pourrons pas y parvenir tous seuls et qu’en cela nous devrons rechercher et avoir la solidarité de toutes les communautés ethniques actuellement minoritaires ; que notre action doit être conduite parallèlement à celle de l’intégration européenne ; qu’il nous faudra donc du temps.

En attendant l’action du Mouvement devra être portée à instaurer une coopération dans le domaine culturel, économique et sociale, dans la planification et la protection du territoire, dans la création de structures communes etc., entre la Suisse Romande, la Savoie proprement dite et la VDA. Ces trois régions de frontière peuvent et doivent devenir un point de repère et d’expérimentation pour le dépassement des structures actuelles en vue de la nouvelle organisation de l’Europe de demain.
Il ne s’agit donc pas d’une simple coopération transfrontalière, souhaitable pour n’importe quelle région avoisinante ; il s’agit au contraire d’instaurer une coopération sovra-frontalière, c’est-à-dire de créer une méthode de travail et de rapports communs capables d’intégrer trois zones issues de une même nation, de se donner des structures institutionnelles et des instruments de gouvernement et de gestion des intérêts communs qui doivent conduire à l’unité de ces pays aujourd’hui divisées sous trois légalités.

Pour fixer les contenus de notre action future nous devons partir de l’analyse de notre situation de peuple rendu minoritaire, afin de prendre et de faire prendre conscience de cet état et de trouver les solutions qui nous en dégagent.
La VDA a subi, à partir de la formation du Royaume d’Italie surtout, les effets d’une forte centralisation qui en a fait une colonie intérieure de l’Etat italien. Les résultats de cette action furent clairement synthétisés dans la «Déclaration des représentants des populations alpine » de Chivasso (19 décembre 1944) :
a) oppression politique ;
b) ruine économique ;
c) destruction de la culture locale.
Mais tout cela n’a pas été modifié après 1945. Persistant les même causes, les effets ne pouvaient être qu’identiques, voire accrus par un relâchement de la conscience nationale et autonomiste des Valdôtains dont un grand nombre s’étaient laissés duper par le mirage d’une fausse « autonomie ».
Cet état de colonisation se manifeste aujourd’hui dans tous les domaines : dans la culture, dans la société, dans la politique et dans l’économie.

Voyons-les brièvement :

  1. Culture. Nous devons malheureusement constater un fort affaiblissement, si non un manque total dans certains groupes, de la conscience de l’individualité et de la personnalité nationale et ethnique, un abandon progressif de certaines valeurs réelles que le passé nous avait léguées et de toute une civilisation, l’acceptation d’un faux progrès. Ce phénomène de acculturation est causé par l’action des mass-médias (école, radio, télévision, presse, service militaire, apparat bureaucratique de l’Etat), par la dépendance culturelle de la VDA à la culture italophone (formation professionnelle spécialisée, université, etc.), mais aussi par un manque total de politique culturelle de la part de l’Administration Régionale. Ne pouvant pas dans l’immédiat éliminer les premières causes, c’est surtout vers cette dernière que nous devrons porter notre action ; la politique culturelle ne peut plus être laissée à l’initiative de quelques volontaires ou des institutions privées, sans être coordonnée et finalisée à une assimilation des éléments allogènes.
  2. Société. La forte immigration et la division des groupes sociaux poursuivie par les partis italiens (classes privilégiées d’un côté, lutte de classe de l’autre) ont porté préjudice au groupe plus faible – parce que isolé et abandonné – des autochtones. La concentration des services sociaux à Aoste ou dans les gros bourgs de la Vallée Centrale a été la cause du grave déséquilibre entre la montagne, où se concentrait l’élément autochtone et s’enracinait la civilisation, et la plaine, à majorité allogène et fautrice d’acculturation. Ce déséquilibre a été à son tour la cause du phénomène d’urbanisation qui a eu des conséquences négatives non seulement au point de vue social, mais aussi pour la conscience, la personnalité et la civilisation valdôtaines. Notre tâche sera donc de rééquilibrer les zones afin d’éliminer le phénomène d’urbanisation, et de favoriser et promouvoir un retour des jeunes sur les territoires en voie de abandon.
  3. Politique. La VDA se trouve dans une situation d’impuissance administrative et législative vis-à-vis des forces étrangères. Le Statut d’autonomie, même s’il était appliqué dans son intégralité, est insuffisant et il ne répond pas à nos besoins. Il pourrait, tout au plus, satisfaire à un désir de décentralisation, non d’autonomie réelle. Ainsi, en attendant conformément au principe fédéraliste de subsidiarité, il nous faut réaliser une nouvelle répartition des pouvoirs entre notre Région et l’Etat, au détriment de celui-ci, bien entendu, et selon le juste sens, c’est-à-dire délégation de certains pouvoirs de la Région à l’Etat et non inversement. A’ l’intérieur il faut suppléer au manque de juste adéquation et de participation des collectivités inférieures.
  4. Economie. C’est dans ce domaine que la colonisation intérieure est la plus poussée. L’économie est presque entièrement dans les mains des étrangers, sauf le secteur agricole, qui est cependant, somme toute, déficitaire. Le retard d’une planification sérieuse et d’une adéquate politique territoriale a accentué le dépeuplement de la montagne et le phénomène de l’urbanisation, favorisant la dépersonnalisation des Valdôtains.


Toute l’action politique et administrative de l’UV devra donc viser à éliminer ces facteurs négatifs. Cette action devra en outre être menée dans tous les domaines globalement, car s’il est vrai que les trois derniers découlent en grande partie du premier, il est aussi vrai que ceux-ci influent sur celui-là. Il y a interaction entre les différents secteurs. Ainsi si nous voulons que notre peuple puisse reconquérir progressivement son autonomie et se rendre maître de toutes ces composantes culturelles, sociales, politiques et économiques nous devons agir simultanément sur toutes celles-ci.
Cette reconquête exige une action constante, énergique et efficace de notre Mouvement sur l’administration régionale, effort qui devra viser les secteurs suivants :
a) Ethnie et culture ;
b) Ecole et formation professionnelle ;
c) Politique du territoire ;
d) Ecologie ;
e) Agriculture ;
f) Tourisme et Sport ;
g) Artisanat et Industrie ;
h) Services sociaux ;
i) Rôle de la femme dans la société valdôtaine ;
j) Rôle de la Jeunesse.

Les buts que nous nous posons dans ces différents secteurs n’ont pas la prétention d’être complets et définitifs. Ils ne constituent que les lignes essentielles de notre action dans le futur immédiat. Ils doivent constituer, en attendant, un premier tournant dans la transformation de la société valdôtaine, la plate-forme sur laquelle appuyer cette transformation. Ce sont le pont-tournant qui doit nous adresser vers la société fédéraliste ou socialiste libertaire. Celui-ci est en effet notre objectif final pour lequel est nécessaire l’effort conjoint de toutes les forces autonomistes, fédéralistes, libertaires et progressistes. Cet objectif demande une transformation de l’Europe qui ne devrait pas être une confédération des Etat actuels, ainsi que malheureusement elle s’annonce, mais une fédération des peuples naturels. C’est pourquoi nous sommes extrêmement préoccupés à l’égard des élections du Parlement Européen au suffrage universel et direct et de l’Europe qui se dessine et qui n’est pas celle que nous souhaitons. En effet les Etats dans leur jacobinisme persistant ont démontré de ne pas vouloir déléguer une seule miette de leur pouvoir au nouveau Parlement Européen. Celui-ci ne recevra donc aucun mandat et il restera un corps sans tête et sans muscles, impuissant et incapable d’imprimer la marche de l’Europe vers l’intégration et la fédération. Seulement une forte présence de représentants des communautés ethniques actuellement minoritaires et des nations sans Etat aurait pu donner cet élan et transformer ce Parlement en une Constituante Européenne. Nous sommes donc préoccupés, mais aussi fortement indignés pour l’humiliation que la VDA a essuyée à l’égard de ces élections. Le Parlement et les partis italiens ont méconnu, méprisé, foulé à leurs pieds les droits de la communauté valdôtaine. Nous serons probablement l’unique région sous légalité italienne à ne pas être représentée au Parlement Européen.

Mais les valdôtains et à leur tête l’U.V. ne se plient pas devant cette supercherie. Ils seront présents avec nous à la bataille que nous avons entreprise et cette fois non plus seulement dans la VDA, mais dans tout l’Etat, au cœur de l’ennemi même. Et avec les Valdôtains nous avons appelé au combat d’autres autonomistes afin que, ici comme ailleurs, tout ceux qui commencent à comprendre où nous mènera le centralisme d’Etat puissent se prononcer ; se prononcer contre les bienfaits que cet Etat nous fournit : oppression, méconnaissance de nos droits et de nos problèmes, colonisation intérieure, scandales, grosses évasions fiscales, inflation et ce n’est pas tout. C’est un combat que nous devons conduire avec patiente et fermeté, car seulement ainsi nous pourrons nous approcher de notre modèle de société.
Voyons maintenant quelles sont les indications que nous proposons à l’attention du Congrès National dans les différents secteurs mentionnés.

LA CULTURE VALDOTAINE
Il semble, au premier abord, que la notion de culture valdôtaine soit suffisamment comprise et sentie en VDA. Mais à l’analyse des connaissances et des sentiments d’une grande partie du peuple, il n’en est rien. On ignore la formation et l’évolution de cette culture, à tel point que souvent face à un choix on refuse ce qui est authentiquement valdôtain préférant une pacotille importée de n’importe quel horizon. Or la culture d’un peuple est l’élément fondamental sur lequel s’édifie toute sa vie intellectuelle, économique, son comportement général et particulier. Toute attitude de l’homme est conditionnée par sa formation intérieure. Il est, partant, de toute première importance de soigner avant tout cette connaissance afin d’en recueillir, puis, les résultats dans chaque secteur de pensée et d’action. Tout notre particularisme relève de la nature de notre culture.

Le législateur qui nous a imposé notre constitution l’a bien saisi puisque, à côté de quelques concessions sur divers plans, il a cherché d’escamoter le fondement culturel de notre autonomie et là où il formule quelques concessions à cet endroit il les paralyse par des avantages qu’il concède immédiatement à la culture colonisatrice. Mais ne faut-il pas avouer que de notre côté, non seulement il y a eu un progressif abandon des sources mais que, sous l’influence d’un milieu toujours plus hostile, malgré les apparences, il s’est installé un certain respect humain qui nous éloignait de l’initiation à notre culture et de la pratique quotidienne de notre manière de vivre, de penser et de nous comporter.

Il vaut la peine, de nous attarder à l’analyse des causes afin que la levée des obstacles nous permettre de marcher plus rondement dans les sentiers qui nous amèneront à une complète reconquête de notre état culturel. Evidemment, de la part de ce peuple « qui s’est installé au milieu de nous », selon l’expression d’Emile Chanoux, il ne pouvait y avoir que rejet d’une culture qui s’exprimait avec le moyen de communication d’une nation cousine qui avait toujours suscité, au cours des derniers siècles des complexes d’infériorité, si ce n’est des sentiments de phobie. Ensuite on ne pouvait admettre que ce petit peuple ait pu résister pendant cent ans à la pression de ce qui semblait un grand Etat. Enfin la sensation d’être protégés par une frontière et par l’apparat de l’Etat lui-même les conviait à prendre une attitude de supériorité et de triomphalisme. Le fait que, après les mouvements de séparation et d’indépendance, qui avaient caractérisé la fin de la guerre, l’Etat ait pu, ici triompher sur toute la ligne, lui rendait la sensation qu’après la honte et la débâche fasciste il restait quand même quelque chose où l’on pouvait s’accrocher et que tout prestige n’était pas anéanti. Notons aussi que les doctrines, les erreurs propagées pendant vingt ans avaient quand même laissé des signes évidents dans les générations qui en avaient reçu un empreinte.

La conduite des affaires politiques pendant ces trente dernières années, les évènements actuels même, nous disent que cette marque était beaucoup plus profonde qu’on aurait pu se l’attendre et que l’on ne se trouvait pas simplement devant une population de « 40 millions de fascistes et de 40 millions d’antifascistes », tous bons et convertis. De notre côté, cependant, alors que l’on attendait à une profonde prise de conscience de la communauté, seulement une partie de la population a réagi positivement.
Les uns avaient été, qu’on le veuille ou non, compromis avec le fascisme. Les autres ont cru naïvement que l’on pouvait entreprendre cent sentiers divers. L’entente sur l’essentiel, laissait trop d’espace à la dispute sur l’accidentel et le marginal.

Un certain bien-être ne pouvait que nous amener à la considération prioritaire du matériel sur l’intellectuel. L’isolement et la solitude où nous nous trouvions tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ne pouvait que accroître notre gêne d’être des singuliers et des originaux. Raisons pour lesquelles beaucoup se sont adaptés aux conditions du milieu qui ne pouvait nous être qu’opposé et contraire. D’où l’abandon progressif de notre culture, de notre manière de vivre, souvent par crainte du ridicule ou simplement d’être montré du doigt. Ces considérations faites, il est nécessaire de réaffirmer nos origines culturelles.

Notre culture est une civilisation franco-alpestre. Elle a donc deux tenants. L’adaptation d’un peuple au milieu géographique qui l’entoure et son expression littéraire francophone ou franco-burgonde. Nous pouvons y ajouter l’appartenance à une foi religieuse dûment tempérée par de forts sentiments gallicans.
L’influence littéraire a sans doute eu son poids. Mais elle provenait d’une zone fortement caractérisée à ce point de vue et donc les phares étaient Lyon, Chambéry, Genève et Lausanne. Cette province, « qui n’en est pas une » vivait et vit encore d’une existence culturelle propre. Elle donna à la francophonie des grands écrivains, qui sans n’avoir jamais été français, apportèrent à la littérature françaises une production originale de grand choix en opposition souvent avec Paris. Il n’est qu’à penser à Vangelas, à St. François de Sales, à Rousseau, à Me de Stael, aux frères de Maistre, à Ramuz et à tant d’autres. Et, si l’on y regarde de près, malgré leurs diversités, ces grands de notre littérature ont un dénominateur commun celui qui les faits appartenir à un monde de pensée bien marqué par le cadre politique du Royaume de Bourgogne et de la grande Savoie du XVe siècle. Ce monde culturel dans lequel nous avons baigné pendant dix siècles est encore et doit être encore le notre aujourd’hui avec toute son originalité et son profond humanisme.
Notre cordon ombilical a été cependant coupé pendant une longue période. Il nous faut nous y rattacher à nouveau.
Les faits et gestes que nous pourrons accomplir pour rendre ici à notre civilisation la place prépondérante qui doit être la sienne, sont innombrables. Ils font tous partie cependant de notre vie quotidienne.
Nous devons vivre notre vie intellectuelle à chaque instant de notre journée, dans tous nos rapports sociaux et familiaux.
Ecole – Il sera traité de l’école. Cependant tout parent valdôtain se doit de s’imposer sans gêne face au corps enseignant, lui demandant de parfaire et non de ruiner l’éducation que l’on cherche d’inculquer aux enfants à la maison.
Culte – Le culte doit être selon notre particularisme tant rituel que linguistique. Il est adressé à notre peuple et c’est lui qu’il doit servir selon les indications du Concile.
Rapports sociaux – Tout valdôtain doit se faire un devoir d’employer sa langue (patois ou français) partout et en tout lieu. L’emploi d’une autre langue doit être dans notre vie sociale à nous, l’exception et non la règle comme il arrive très souvent aujourd’hui.
Il faut que nous tendions toujours plus à la correction tant en patois qu’en français. Il y a une attention extrême à porter à l’exacte graphie et à l’exacte prononciation tant dans les noms propres que dans les noms communs. En patois surtout il y a une tendance à une créolisation qui souvent devient la création d’un vrai sabir italo-valdôtain. Les noms des lieux et des personnes sont souvent déformés. Leur exacte prononciation n’est que le respect que nous devons à nous-mêmes et à notre Pays.

Abolissons la tendance d’affubler nos enfants de noms exotiques ou étrangers. Un beau non de chez nous leur donnera la sensation d’une parfaite appartenance ethnique. Que les faire-part, les annonces, les inscriptions soient rédigées en notre langue. Le langage familial doit être le nôtre et si nous sommes attachés à des personnes qui ne l’entendent pas donnons-leur le goût de notre idiome, prenons la patience qu’il faut pour le leur apprendre. Demandons autant que possible que les actes publics soient rédigé en français : chez le curé, à la Commune et à la Région. Mais c’est surtout à la connaissance de notre passé que nous devons nous attacher. L’histoire de la Commune, l’histoire de la Région sont aussi attachantes que n’importe quelle autre lecture. Donnons-leur la priorité dans nos moments de loisir. Il sera nécessaire cependant que l’on forme une équipe d’enseignants afin que, ayant mis sur pied des chaires d’histoire et de civilisation valdôtaine dans les différents Instituts d’instruction, ils soient même de recycler les jeunes et les moins jeunes dans ces disciplines. La mode est à la recherche d’un enracinement. Il nous faut en profiter.

L’Administration Régionale vient d’instituer, on cherche de le faire, des bibliothèques dans toutes les communes. Les Valdôtains doivent y être plus présents que jamais, s’imposer et en être les animateurs. La vie culturelle, grâce à ces précieux instruments évoluera d’une manière positive. La presse et les mass-médias dont nous disposons doivent tendre, non seulement à l’information, l’élévation et l’éducation de notre population. Il est clair que, dans cette perspective, la fondation d’un quotidien valdôtain serait non seulement la bienvenue mais s’imposerait presque. Pourquoi, au moins dans quelques communes ou consortiums des communes ne fonderaient-ton pas des cercles culturels sur l’exemple qui nous a été donné par quelques collectivités d’avant-garde. Il faut que là – même où elles sont encore vivantes – nous soutenons nos traditions les élevant culturellement si elles le mérite, les élaguant si nécessaire, les ennoblissant si possible. C’est de là que nous pourrons plus facilement veiller au maintien du paysage et des lignes architecturales, soutenir et favoriser les arts et les métiers.

Frotter son cerveau à celui des autres reste un moyen indispensable pour affirmer et développer harmonieusement le nôtre. De nos jours voyager devient un impératif. Maintenons, renfonçons, multiplions nos contacts surtout avec ces populations qui nous sont plus proches. Visitons les autres aussi. Mais pour que tout ce qui vous a été présenté, il parait bien qu’au sein de l’Administration régionale il faille créer un organisme (Département ou Bureau) qui coordonne, stimule, vivifie l’action culturelle tout entière. Beaucoup d’argent peut être dépensé pour beaucoup d’œuvres nécessaires et utiles à la collectivité. Aucun ne sera mieux déboursé que pour l’illustration, la défense, la promotion de notre culture, de notre civilisation, de notre ethnie en un mot.

ECOLE ET FORMATION PROFESSIONNELLE
L’école est une institution sociale qui se pose comme objectif celui de l’éducation de la jeunesse.
Elle n’est pas, cependant, heureusement pour nous, le seul instrument d’éducation : toutes les expériences extrascolaires sont aussi éducatives et contribuent à la formation de la personnalité de l’individu.
Cependant, il est indéniable, l’école joue le grand rôle dans le domaine de l’éducation : ne fusse que pour le nombre d’heures qu’elle occupe dans la vie de l’élève : rien que l’obligation scolaire impose aux élèves un séjour à l’école de huit ans, cinq six heure par jour. Si l’on prend en considération l’école maternelle, le secondaire supérieur et l’université nous voyons que l’école est au centre de l’activité de l’homme pendant un arc de 20 ans, et ce qui compte surtout, pendant les 20 ans qui sont à l’origine de la formation du citoyen.

Mais qu’est-ce l’éducation ? Quelles sont les fonctions du processus éducatif ? Pour nous, la fonction principale de l’éducation, donc de l’école, est celle de transmettre la connaissance d’une génération à un autre. Mais quelle connaissance ? On ne peut prétendre d’inculquer dans le crâne de nos enfants tout l’ensemble des connaissances de ce monde… Un triage des connaissances est donc nécessaire ; et ce triage nous oblige à privilégier les connaissances de base du groupe culturel qui a exprimé l’institution éducative, l’école dans notre cas.

L’école devrait donc transmettre les connaissances et les valeurs culturelles du groupe qui l’exprime et, naturellement, contribuer à l’enrichissement de l’héritage culturel dans lequel elle puise, en développant, en approfondissant, en emparant ses contenus avec d’autres contenus.
L’école doit être sensible aux valeurs exprimées par la société qui est à sa base, et les proposer à la jeunesse pour qu’elle les élabore. Elle devrait être ainsi, le principal ressort qui imprime à une culture l’énergie nécessaire à son évolution.


L’ECOLE EN VALLEE D’AOSTE
Malheureusement l’école en VDA ne répond aucunement aux exigences éducatives du peuple valdôtain : elle a une structure organisatrice et normative de type italien et sa subordination à l’organisation scolaire de l’Etat est presque totale ; ses programmes sont des programmes italiens, la langue instrumentale est la langue italienne, l’histoire qu’on y enseigne est pour nous une histoire étrangère, les valeurs qu’elle nous propose s’écartent souvent des nôtres et les méthodes qu’on y applique (et enseigne) ne sont pas toujours fonctionnelles pour notre type de civilisation. Bien que le Statut d’Autonomie et des lois successives permettent des légères différenciations de l’école en VDA par rapport aux écoles d’Italie (par ex. le privilège de payer le corps enseignant) ces différenciations ne sont pas substantielles et le panorama général est celui que je viens de décrire : l’école en VDA est principalement destiné à inculquer dans notre jeunesse les capacités essentielles et les valeurs centrales d’une société qui n’est pas la nôtre (la société italienne) et pour la perpétuation de la classe dirigeante italienne qui détient le pouvoir effectif.

Ce type d’école est en train de nous emmener, un petit pas à la fois, vers l’aliénation culturelle, c’est-à-dire vers l’oubli de notre passé et de notre bagage culturel. Ce phénomène est lourd de conséquences. L’individu et/ou le groupe qui sont victimes de cette aliénation ne sont pas armés pour faire face à la nouvelle réalité socioculturelle qu’on leur impose : ils la subissent, devenant proie facile de toutes les formes d’exploitation. Ils sentent qu’ils ne peuvent plus influer sur les situations sociales dans lesquelles ils sont engagés, ne reconnaissent plus leur modèle culturel dans la société qui les entoure et qui les a vus naître et se former. L’aliéné culturel ne sait plus, ne comprend plus, n’agit plus. Et il abdique en faveur de ceux qui « savent » à sa place (mais non pour lui) qui « comprennent » à sa place (mais non pour lui). L’aliéné culturel est un homme qui a perdu sa liberté.

Comment en sortir ? Ainsi comme elle est structurée, l’école en VDA est une école aliénante. Il est évident que l’aliénation culturelle n’est jamais fortuite. C’est la conséquence d’une confrontation où le succombant doit subir l’influence du vainqueur. Il s’agit donc de renverser le rapport de force pour établir l’équilibre souhaité. Ce qui présuppose, pour la VDA, des interventions de caractère global, ne concernant pas uniquement l’école. Il y a cependant des garanties que nous devons prétendre de l’école pour qu’elle ne soit pas un instrument supplémentaire d’aliénation culturelle. Notre école devrait :

1.Avoir une organisation juridique apte à accueillir les exigences de notre population ;
2.Etablir des rapports plus étroits et plus libres avec la société environnante. La condition sine qua non pour que ce type de relations s’établisse est une connaissance profonde de la société de la part des individus qui la composent. Pour être libres nous devons avant tout connaître notre milieu culturel dans ses structures et déceler les différentes fonctions des individus et des institutions à l’intérieur des structures mêmes. L’école doit donc, avant tout, apprendre à notre jeunesse à se reconnaître dans le petit coin de monde qui l’entoure. Elle doit ensuite lui apprendre à agir sur ce coin de monde et à le façonner à sa propre dimension. Ce n’est qu’après, quand l’élève aura appris à maîtriser sa réalité, qu’il sera initié aux connaissances, aux expériences, à la culture des autres peuples, en privilégiant bien sûr, dans la progression, les peuples ayant une culture semblable et les peuples voisins avec lesquels les échanges sont plus fréquentes.

Mais revenons un moment à l’organisation juridique. Actuellement l’école en VDA est règlementée par le Statut et par des lois successives, qui, cependant, n’ajoutent rien aux compétences de la VDA, en matière d’école, prévues par le Statut. Et, en plus, certaines possibilités prévues par le Statut, demeurent inappliquées. C’est pour cela que les considérations qui vont suivre se réfèrent essentiellement au Statut.
Premier point :
Est-ce le type d’école préconisé dans ce rapport est réalisable sur la base du Statut ? La réponse est non.

Premièrement parce que le Statut ne reconnaît au VDA, en matière d’école, qu’une compétence législative de deuxième degré (sauf pour l’Instruction technico-professionnelle). Le Conseil régional ne peut donc qu’intégrer les lois de l’Etat. Pour qu’une véritable école valdôtaine puisse prendre corps, il serait indispensable que le VDA ait une compétence de 1er degré en matière d’école.

Deuxièmement, le Statut introduit une notion de bilinguisme tout à fait particulière.
Le bilinguisme peut être approché sous deux points de vue :
-en fonction du territoire
-en fonction de l’individu.
En fonction du territoire : un territoire est défini bilingue quand sa population appartient à deux groupes linguistiques différents. Dans ce cas le territoire est peuplé d’individus mono-langues qui peuvent connaitre ou non la langue de l’autre groupe et c’est le cas du VDA.

En fonction de l’individu : l’individu est dit bilingue quand sa compétence linguistique s’étend sur deux langues. Mais ici une ultérieure subdivision s’impose : en psycholinguistique on parle de bilinguisme coordonné, tout à fait exceptionnel, donc extrêmement rare, quand le même individu possède à la perfection deux langues et peut passer indifféremment d’un registre à l’autre, et on parle aussi de bilinguisme composé, très répandu, quand un individu a greffé sur la langue maternelle une deuxième langue (langue étrangère) qu’il ne manie pas à la perfection. Or, qu’elle est la situation linguistique en VDA ? Notre Vallée est habitée par deux groupes linguistiques différents (et ici par commodité je laisse à côté le groupe germanophone de la Vallée du Lys), le groupe francophone originaire et le groupe italophone récemment immigré.

Cette réalité actuelle, que nous n’acceptons pas en tant que situation figée – nous sommes convaincus que l’immigré doit s’intégrer progressivement au groupe francophone – cette réalité n’est pas reconnue par le Statut. Dans le cas du Tyrol du Sud – au contraire – il est question de citoyen de langue italienne et de citoyen de langue allemande (d’où le double régime scolaire). Dans notre cas les articles 38 et 39 du Statut sous-entendent une conception du bilinguisme comparable au bilinguisme équilibré qui, comme je l’ai dit, est tout à fait exceptionnel. Et de plus, il n’est sûrement pas le bilinguisme – si de bilinguisme on peut parler – existant en VDA. D’où une école (moitié français, moitié italien) prétendant répondre aux exigences d’individus qui n’existent pas, d’où la faillite inévitable qui récompense le groupe linguistique disposant des moyens les plus puissants, le groupe italien dans notre cas.

Nous croyons que cette conception du bilinguisme a fait ses preuves et que pour la survivance de la civilisation valdôtaine il est indispensable de chercher des voies nouvelles.
Notre pays n’a jamais été bilingue. Il l’est devenu à la suite de persécutions et d’injustices. Et nous avons la conscience que le bilinguisme est un moment transitoire dans l’histoire et qui aboutit à la substitution linguistique. Il nous semble donc important que l’école, une seule école valdôtaine, tienne compte de ce fait et qu’elle adopte comme langue instrumentale notre langue ethnique – le français – qu’elle accueille nos contenus culturels (histoire, géographie, patois, etc.) et qu’elle les diffuse sur tout notre territoire. Nous demandons pour cela l’appui de tous les hommes de bonne volonté, valdôtains ou non, de toutes les intelligences libres et de toutes les consciences honnêtes.

Nous demandons à tous ceux qui nous ont fait du tort, directement ou indirectement, consciemment ou inconsciemment, de nous aider à oublier et à rebâtir notre pays dans la continuité de notre passé.
Tout récemment a vu le jour une théorie qui voudrait le patois seule langue des valdôtains et qui range le français à côté de l’italien (langue de colonisation). Nous la repoussons avec toutes nos forces et nous profitons de l’occasion pour mettre en garde les valdôtains contre les dangers que cette théorie cache.

Faisant abstraction de l’histoire de notre pays, les partisans du patois (souvent des gens qui n’ont pas même la décence de le pratiquer) opposent ce qui est pour nous complémentaire. Le français est pour nous la langue littéraire, la langue naturelle, la Koine qui résume tous nos patois. Il n’est pas nécessaire de reculer beaucoup dans l’histoire pour trouver en Europe Occidentale une situation linguistique généralisée où les gens s’exprimaient en patois et se servaient d’une langue littéraire – semblable à leur patois – qui leur permettait de nouer des relations plus étendues avec des gens de la même ethnie, amis avec un patois différents. Les Valdôtains se sont toujours reconnus dans le français, comme les Wallons, les Champenois, les Normands, les Vaudois ou les Jurassiens.

Contester le français aux Valdôtains serait comme contester le Russe aux habitants de Perm en leur disant que leur dialecte n’a jamais été le moscovite, ou contester le castillan aux Andalus, l’allemand aux Autrichiens, etc. Le patois seule langue des Valdôtains nous renvoie au Moyen-âge quand les exigences de communication étaient plus réduites et les communautés humaines plus restreintes. Ce retour à un passé trop éloigné nous porterait à un isolement que nous refusons et qui nous reléguerait à une condition de minorité permanente. Nous voyons dans cette tentative une manœuvre de réaction. Nous souhaitons donc dans notre école l’emploi de notre langue ethnique – le français – en tant que langue instrumentale et, bien sûr, nous œuvrerons pour que le patois ait la place qui lui convient ; parce que nous sommes pour la défense des patois et nous sommes toujours prêts à unir nos voix à celles qui réclament le Vénitien à côté de l’italien dans la région de Venise, le calabrais à côté de l’italien en Calabre, le napolitain à côté de l’italien de Naples.

Pour nous, nous réclamons le patois à côté du Français, cela va de soi.
Voilà donc comme nous concevons l’Ecole Valdôtaine. Nous sommes conscients que le but à atteindre est encore éloigné. En attendant, notre activité doit s’intensifier, les problèmes contingents doivent être étudiés dans les détails et notre confrontation avec les autres forces politique doit devenir plus incisive.
La révision du Statut – condition préalable pour une école vraiment valdôtaine – est une conquête à venir : nous devons travailler en ce moment à la diffusion de nos thèses pour rassembler autour d’elles le plus d’adhésions possibles et nous devons employer tous les instruments politiques et juridiques qui sont à notre disposition pour améliorer la situation actuelle. Voyons donc quelle être notre action.


1) LA FONCTION DE L’ECOLE
Il y aurait là-dessus de quoi écrire un traité et, encore, l’on serait loin d’épuiser le sujet, tellement cet argument peut donner lieu à de différentes hypothèses, allant dans de différentes directions, parfois même dans des directions opposées. Toutes ces hypothèses présenteraient cependant un trait commun : celui de découler d’une certaine philosophie, d’un certain moment historique, d’une certaine situation, voire de certaines nécessités contingentes ou, encore, de certains intérêts. Tous les systèmes philosophiques ont leur pédagogie, tous les modèles d’organisation sociale et politique ont fourni leur école et toutes les écoles se réclament tant de fondements philosophiques que de principes politiques. Notre intention n’étant pas d’écrire un traité, ce qui dépasserait de loin nos capacités et serait, en l’occurrence, parfaitement inutile, nous nous bornerons à quelques réflexions concrètes, lesquelles, tout en découlant des principes généraux dont l’U.V. s’inspire, s’appliquent à un moment précis – celui de nos jour – de l’histoire de notre Peuple. Nous disons bien « Peuple » et non « Pays ». En fait, si le pays, expression géographique, peut connaître différents peuplements en demeurant le même, un peuple, comme une personne, tout en s’intégrant dans son pays et tout en étant, de quelque sorte, façonné par celui-ci, est parfois obligé, suite aux évènements de l’histoire et par l’action d’autres peuples, à subir de tels changements qu’il peut en mourir. Nous voulons dire, par là, que nos frères sont plus importants que notre maison et qu’il ne suffit pas d’habiter notre maison pour être notre frère.

Cela mis au clair, les principes dont l’U.V. s’inspire étant ceux du fédéralisme dit intégral – heureuse synthèse du message proudhonien et de la philosophie personnaliste – et entrainant, pour autant, la libération, non pas de l’individu, entité abstraite et purement théorique, mais de la personne, soit des hommes insérés dans leur milieu, dans leurs communautés, dans leurs associations, vivant leurs expériences à leur façon, notre Mouvement ne peut que s’appliquer à la construction d’une école telle à contribuer à la réalisation de ses principes. Autrement dit, si notre libération n’est pas exclusivement le but de l’école, mais de toutes nos activités dans tous les domaines, la tâche de l’école est celle de nous fournir les moyens pour atteindre ce niveau de conscience et ces capacités, culturelles, techniques et professionnelles, sans lesquels le terme de «libération » est destiné à demeurer un vain mot et nos enfants seraient voués faire partie d’un autre peuple que le nôtre, tout en habitant notre pays.

Nous nous rendons parfaitement compte de présenter ici une formulation purement de principe, facile à énoncer, difficile – quelqu’un dira impossible – à réaliser. Nous nous permettons, cependant, de souligner, tout d’abord, que la mise au point et l’affirmation des principes est indispensable si l’on veut, finalement, se fixer une direction – la bonne – et l’emprunter ; de remarquer, ensuite, que la détermination précise d’un but indique, bien sûr, la direction que l’on estime la bonne, mais qu’elle n’entraine guère le fait que l’on doive nécessairement, d’un seul bond, franchir la distance qui nous sépare de l’arrivée. De plus, s’il est important de définir la bonne direction pour savoir de quel côté aller, cela est également important pour savoir de quel côtés ne pas aller.
Il y a, plutôt, une autre considération, dont il est bien, à notre sens, de tenir compte, sous peine de perdre d’efficacité et d’être contraints de s’arrêter aux énonciations de principe, sans pouvoir, quoique graduellement, les traduire dans la pratique : une école répondant entièrement aux fonctions que nous lui avons attribuées plus haut, demanderait, en tant que préalable nécessaire, cette libération qu’elle devrait par contre, contribuer à nous assurer.

Il s’agit, ainsi qu’on le voit, d’un cercle vicieux, lequel loin d’être une découverte de notre part, a longtemps, entre autre, servi de prétexte pour l’immobilisme le plus plat et le plus complet dans le domaine de l’école : immobilisme, bien sûr, en ce qui concerne le sens valdôtain, tellement que l’école, jusqu’à présent, ainsi que tout le monde n’a pas trop l’occasion de le voir, sauf de très rares exceptions et en dépit de quelques prises de position, d’autant plus louables qu’elles coûtent d’engagement et de fermeté, non seulement ne nous est point favorable, mais elle nous est farouchement contraire.
Il serait coupable de vouloir se le cacher.

Nous croyons pour autant qu’il est inutile de définir les fonctions de l’école, par rapport à nos principes, à notre situation, à nos exigences, si l’on ne s’applique pas, en même temps, à briser ce cercle vicieux. De cette nécessité découlent, à notre avis, les résolutions que l’U.V. doit prendre, en concret et sans tarder, dans le domaine de l’école.

2) LA PRISE DE CONSCIENCE
La première condition, pour sortir de ce cercle vicieux, est d’en avoir conscience : ce qu’il n’est pas si naturel que cela pourrait le paraître. Nous serions à même de fournir de nombreux exemples du fait que bien de nôtres qui travaillent, en parfaite bonne foi, dans le domaine de l’école, tout en étant sans doute convaincus de s’employer pour la bonne cause, contribuent, de fait, à appuyer la cause contraire, en fournissant, à cette dernière, par-dessus le marché, une sorte de légitimité qui lui ferait, sans cela, défaut. Loin de nous l’intention de vouloir adresser des reproches ou, pire encore, des accusations, à qui que ce soit : c’est pourquoi nous aimerions autant nous passer d’entrer des détails, à ce sujet quitte à les fournir, éventuellement, ces détails, sur requête du Congrès.

Nous nous bornerons, ainsi, à faire mention, ici, dans le but – nous le répétons – non pas d’accuser, mais uniquement d’expliquer, voire d’exemplifier nos affirmations, nullement d’un cas imputable à une personne bien déterminée. Mais d’un fait pouvant concerner n’importe quel professeur de français de n’importe quelle école de type, par exemple, commercial. Si ce professeur est un bon valdôtain, si de plus, il est un membre de l’U.V., il s’emploiera de toutes ses forces à ce que le programme de français soit développé de la meilleure des façons : dans ce but il enseignera à ses élèves la grammaire française, il leur parlera un tout petit peu de littérature, car le temps est réduit et surtout il leur illustrera les transactions commerciales qui se passent en France, puisque tel est le programme qu’on lui demande de développer. Il sera satisfait, en parfaite bonne conscience, si ses élèves, ayant tiré profit de son enseignement, savent comment se passent les opérations de banque ou les transports des marchandises en France, connaissent une pièce de Jonesco et sont au courant que, d’après Giraudoux «La Guerre de Troie n’aura pas lieu ». En réalité ce professeur, du moment que l’enseignement qu’il a donné est, en tout et par tout, identique à celui d’une langue étrangère quelconque, l’anglais comme le russe ou le japonais, rapporté au pays dont la langue étrangère en question est la langue nationale, aura fourni un puissant appui au dessein de ceux qui visent à rendre étranger, chez nous, notre français.

Nous n’avons jamais entendu que les professeurs d’italien soient tenus à connaître et à enseigner les opérations commerciales ou d’autres sortes de questions techniques italiennes. Autrement dit, le professeur d’italien est le professeur de Lettre, celui de français est un professeur de Langues étrangère et bien entendu : c’est ce qui se passe toujours dans la pratique, c’est ce qu’on déclare souvent même en principe. Tout cela dans l’indifférence générale, malgré les stages, les séminaires, les débats et les propos mille fois exprimés.
Cela va de soi que des professeurs, il serait le cas de remonter aux responsables des programmes et ceux-ci aux responsables de l’école tout court.
Tout ce monde a sûrement d’excellentes raisons pour justifier ses propres actions ou ses propres omissions et, nous le répétons encore une fois, nous n’avons nullement l’intention d’adresser ici quelque reproche que ce soit. Seulement, si le résultat de ces actions ou de ces omissions est l’école que nous avons actuellement, et si cette école amène inévitablement nos enfants à devenir des italiens, plus ou moins abâtardis suivant le degré d’assimilation de leur famille, il est peut-être temps de prendre conscience que de continuer de la sorte veut dire bel et bien nous suicider en tant que peuple. Après quoi, l’étalage des sommes dépensées et des moyens employés pour arriver à ce beau résultat, n’est pas la meilleure façon de nous soulager de notre amertume.

3) LA VOLONTE’
Il est donc indispensable d’arriver à la prise de conscience dont nous parlions tantôt, du moment, entre autre, qu’à défaut de cette conscience il serait difficile, voire impossible, d’en arriver à la deuxième condition pour réussir à briser le cercle vicieux qui nous tient : la volonté. Là aussi il y a souvent occasion de se méprendre. Nous croyons en effet qu’il serait difficile de trouver quelqu’un parmi nous qui déclare ouvertement ne pas vouloir une école valdôtaine dans le vrai sens du mot. De plus, nous croyons que les italiens eux-mêmes – à l’exception de leurs syndicats de l’école – ou, de toute façon, plusieurs parmi eux, face au niveau et aux perspectives de l’école italienne en ce moment, verraient avec satisfaction la création d’une école nouvelle ou tout au moins, l’évolution de celle que nous avons vers de nouvelles directions.

Il n’est donc pas tellement question, à notre sens, de gens qui ne voudraient pas, mais du fait que l’on s’arrête à la non-opposition sans franchir le seuil de la volonté active : celui, justement, de l’action. Tout le monde dit oui, tout le monde est d’accord, les Conseils de la Vallée des différentes législatures ont alloué une partie très importante de leurs budgets aux frais de l’école ; ces allocutions nous ont fourni des facilités que les italiens n’ont pas, tant en matière d’assistance que dans le domaine de l’équipement des établissement scolaires et de la préparation des matières, mais tout cela, loin d’empêcher que l’école chez nous emprunte une direction exclusivement italienne, a lourdement contribué à ce fait et nos enfants en font les frais. De plus, le poids écrasant des mass-médias allant dans la même direction, l’espace pour une éducation de type valdôtain est pratiquement nul.

C’est pourquoi, d’être seulement d’accord, de ne pas dire non, de s’arrêter à l’affirmation des principes, devient largement insuffisant et de plus en plus nuisible à note combat. De plus, d’affirmer qu’il nous faut une école valdôtaine, sans s’insurger ouvertement et par tous les moyens dont nous pouvons disposer, contre celle que nous avons signifie accorder à celle-ci une attestation de légitimité et en devenir, bon gré mal gré, les complices.
Voilà donc que notre volonté doit se concrétiser dans l’action, et sans tarder, si nous voulons avoir encore une chance de réussite.

4) L’ACTION
A notre avis il y a deux sortes d’action possible, voire nécessaire : l’une personnelle, qui nous engage un chacun ; l’autre collective, qui nous engage en groupe en tant que mouvement politique.
Nous avons placé au premier plan l’action personnelle pour les deux raisons qui suivent : dans l’optique fédéraliste, qui est la nôtre, la personne précède le groupe du moment que ce dernier découle du libre engagement de la première : le groupe est donc le résultat de la volonté des personnes et n’existe, de bon droit, que en tant que tel, alors que chez les marxistes et les libéraux ce sont les personnes, leurs droits et leurs fonctions qui découlent du groupe dont elles font, à tort où à raison, obligatoirement partie, ensuite – et c’est la deuxième raison – l’engagement personnel et le témoignage, par ses propres actions, de ses propres convictions, étant le plus difficile, parfois le plus gênant à exprime, de le fournir un jour après l’autre, sans cesse et opiniâtrement, devient le meilleur exercice de sa propre volonté et de sa propre fermeté.

Que l’on songe seulement à ce que cela peut coûter à n’importe qui, parmi nous, qui avons été formés par l’école italienne, en italien et dans des structures italiennes, soutenir en français des thèses, dont l’élaboration ne découle que de notre effort et pour lesquelles l’école ne nous a fourni aucune préparation, contre des italiens, éduqués en leur langue, par leur école, souvent à leur politique, dont l’élocution est facile et les répliques sont brillantes, alors que nous devons nous débrouiller par ce peu de français qui nous reste, que nous aimons plus que nous ne connaissions, sans le moindre appui de la part de quoi que ce soit, en suscitant parfois l’hilarité – voire mépris – de notre auditoire par nos fautes, conscients de ne pas arriver à défendre notre cause ainsi que nous le souhaitons. De combien cela nous serait-il plus facile de leur donner la réplique en italien ! Mais de combien notre décision, notre engagement, notre rage, des fois n’augmentent-il pas, par l’emploi de notre français si pauvre qu’il soit ?

Madame Bonfillon et Monsieur Henri Armand ont fourni, à ce sujet, les meilleures des indications dans tous les domaines (Le Peuple Valdôtain) : il ne nous reste qu’à les mettre en pratique.
Pour ce qui est plus strictement de l’école, au niveau de l’action personnelle, nous exprimons le vœu le plus vif que le Congrès National de notre Mouvement voudra indiquer aux Unionistes quelques suggestions en forme officielle.

A) Aux parents:
-s’adresser au personnel de l’école, aux proviseurs et aux directeurs ainsi qu’aux professeurs et aux maitres, toujours et uniquement en français. Insister dans le français, même si la réponse est donne en italien, parce que ces messieurs sont tenus par la loi à connaître notre langue ;
-Refuser de signer quoi que ce soit, des bulletins scolaires aux simples communications, qui ne soit rédigé qu’en italien;
-Prétendre la rédaction des certificats concernant leurs enfants en français ;
-Insister sur les contenus valdôtains et sur les problèmes que ces contenus posent par rapport à l’organisation de l’école actuelle ;
-Prendre la parole en français lors des réunions des organes collégiaux et ne pas avoir trop peur des fautes: la faute véritable est celle de ceux qui nous ont amenés à méconnaître notre langue, pour nous en imposer une autre.

B) Aux élèves: (école secondaire de deuxième degré):
– ne pas parler italien entre eux, mais uniquement français ou patois;
-Essayer de répondre en français, malgré l’effort que ça va leur coûter, aux interrogations d’histoire, de géographie, de philosophie et partout là où il n’est pas exclusivement question de termes techniques qu’ils n’ont appris qu’en italien;
-S’adresser en français à tous les professeurs pendant les classes et en dehors des classes;
-S’adresser en français au proviseur;
-Rédiger leur demande en français;
-Discuter des programmes, dans les organes collégiaux, en exigeant qu’ils soient axés, dans la mesure du possible, sur notre réalité;
-Refuser les bulletins scolaires indiquant notre langue en tant que langue étrangère;

C) Aux Professeur et aux Maître d’école :
-S’adresse en français toujours et à tout le monde, quitte à parler italien aux parents des élèves que leur demandent explicitement et qui ne soient pas tenus par leurs fonctions à connaître le français;
-Rédiger leurs journaux de classe, leurs registres, leurs compte-rendu, leurs demandes, tous leurs documents officiels en français;
-Exiger, dans ce but, l’indication, de la part du Département de l’I.P. de la terminologie officielle en français ;-Donner, à l’exception de l’enseignement de la langue et de la littérature italienne, tous leurs cours en français, malgré l’effort que cela peut leur coûter : en attendant de nouvelles dispositions, au demeurant, d’après le Statut, personne n’a le droit de leur empêcher;
-Utiliser toutes leurs possibilités dans la mise à point et dans l’adaptation des programmes en direction valdôtaine : à ceux qui se feront un devoir de nous rappeler qu’il n’est pas question que de langue, mais aussi et surtout de contenus, nous répondrons qu’il ne peut y avoir de « contenu » valdôtain exprimé, chez nous et à notre intention, volontairement et par choix, en langue étrangère : ce qui exprime, d’ailleurs, fort bien, la disponibilité mille fois déclarée des partis et des syndicats italiens à s’ouvrir à celui qu’ils appellent « particolarismo culturale » et à enrichir leur école par l’attention envers les « contenuti locali » et, en même temps, leur farouche hostilité à l’égard de ce qui à trait à notre langue.

D) Aux directeurs et aux Chefs d’Institut : les mêmes choses qu’aux professeurs ; de plus, la rédaction de toutes leurs lettres, communications et documents en français.
S’il y avait une centaine d’étudiants, une centaine entre instituteurs, professeurs et chefs de circonscription scolaire ou d’institut, qui suivent strictement ce comportement ; si les parents unionistes refusaient leur signature lors de cas indiqués, l’action politique de l’UV pour changer d’école et en arriver à voir la nôtre, serait largement facilitée et connaîtrait de fortes chances de succès.
Nous en somme ainsi à l’action de groupe. Or, notre groupe, l’U.V., étant un mouvement politique, son action ne peut qu’être politique et s’exprimer par les organes préposés à la direction de sa politique : premièrement le Congrès national.
Nous voyons trois degrés au déroulement de l’action politique pour arriver au but de changer d’école et de construire la nôtre. Ce sont ces trois degrés, ou trois moments, qui devraient selon nous, former l’objet des résolutions du Congrès National.


5)LES RESOLUTIONS
1ère – Dans le but de rendre concrètement possible la mise en pratique des suggestions formant l’objet des indications portant sur les différentes formes d’action personnelles, le Congrès National demande aux Conseillers de la Vallée unionistes de s’employer à ce que le Parlement Valdôtain institue et assure le fonctionnement d’un service préposé à l’œuvre de soutien linguistique pratique, rendue nécessaire par la situation dans laquelle notre langue a été mise, par l’action et avec la complicité surtout de l’école.

2ème – Puisque la seule école, en notre Pays, dans laquelle le Statut italien nous accorde la possibilité de faire la loi, est l’Institut Professionnel Régional, le Congrès National demande au Gouvernement Valdôtain de s’appliquer au développement et à l’épanouissement de cette école, mais sans copier tels quels les modèles des Instituts Professionnels italiens. Il faut, par contre, fournir aux nôtres des essors nouveaux, par des accords avec les similaires francophones, jusqu’à permettre aux élèves des Instituts Professionnel Valdôtains d’arriver, en même temps qu’au diplôme italien, au baccalauréat français, valable en tous les pays francophones du monde et aussi, par exemple, en Allemagne. Cette possibilité concrète existe et nous à même d’en fournir une documentation exhaustive. Il s’agirait, de la part de notre Gouvernement, d’engager quelques efforts et quelques moyens financiers (en réalité bien réduits) en plus, au bénéfice d’une école qui, étant nôtre de droit, le deviendrait ainsi de fait.
Nous rappelons par ailleurs que la demande en matière d’institutions scolaires italiennes, se produit, la plupart des fois faute de mieux. C’est justement ce « mieux » que nous avons la possibilité, voire le devoir, de fournir par le développement des Instituts Professionnels Valdôtains dans la bonne direction.

3ème – L’engagement personnel des Valdôtains, la conviction des Unionistes, surtout s’ils arrivent à montrer des résultats concrets par l’Institut Professionnel Valdôtains, conçu de cette nouvelle façon, doivent amener notre Mouvement à obtenir, par l’appel en cause de tous ses adhérents et de notre peuple tout entier, l’institution d’une école entièrement à nous, à partir de l’école maternelle jusqu’aux différents baccalauréats et à l’accès aux universités, non seulement italiennes, mais de toute l’aire francophone ou en ce qui concerne nos compatriotes des deux Gressoney et d’Issime, de toute l’aire germanophone.

Dans ce but nous avons formulé une ébauche de proposition de loi, à présenter par initiative populaire, portant sur l’institution d’une école nouvelle valdôtaine, en alternative à celle qui existe, italienne. Cette ébauche peut et doit être améliorée dans sa forme, surtout en ce qui concerne l’expression juridique, et enrichie dans ses propos, mais il n’est pas question de revenir sur ses contenus, du moment qu’ils ne représentent que le minimum de ce qu’un peuple peut demander en matière d’école ; à plus forte raison qu’il se la paie et, de plus, lorsqu’il est disposé à payer même celle des autres.

Nous aurions vite fait de demander à nos Conseillers de la Vallée de présenter cette proposition de loi, sachant de pouvoir compter soit sur leur fidélité à la cause de notre libération, proclamée à l’art. 2 de notre Statut, soit sur la pleine conscience, de leur part, que l’école représente un moment capital dans la lutte pour cette cause.
Nous préférons cependant, emprunter la voie de l’initiative populaire car nous croyons qu’il est grand temps de sonner le clairon du réveil ethnique et national chez nous, par une bataille qui dépasse les considérations contingentes de chaque jour et touche aux raisons de fond de notre action politique.

C’est pourquoi nous croyons que le moment est venu que le premier des organes de notre Mouvement, à juste titre appelé Congrès National, décide d’exprimer un Comité Promoteur et, en mobilisant dans cette bataille, au vrai sens de la parole, nationale, la conscience, la volonté, la force de nos inscrits et de nos sympathisants, on arrive au plus tôt, à la présentation au Parlement Valdôtain de cette proposition de loi.
Nous voudrions voir les Conseillers de la Vallée des partis italiens – même de ceux qui, étant fournis de I final, sont en passe de devenir, en dépit des différentes « internationales », de plus en plus italianistes – avoir le courage de dire non à un droit, des plus élémentaires et l’un des premiers parmi ceux que la Charte des Nations Unies reconnaît à tous les hommes du monde, exigé par la demande de milliers de valdôtains : CELUI DE S’EXPRIMER ET D’ETRE EDUQUES EN LEUR PROPRE LANGUE.

Sans doute l’Etat Italien se chargera-t-il, par sa « Commissione di Coordinamento », de la triste besogne de refuser notre proposition de loi. Nous commençons, cependant, à avoir quelques doutes même là-dessus, du moment que l’un des plus ardents et des plus connus, parmi les partisans de l’Italie de chez nous, M. A. Passerin d’Entrèves, contrairement à ce que nous aurions pu attendre de sa part, dans « La Stampa » (juillet 78), nous donne ouvertement et entièrement raison.
Serait-ce un bon signe de la part des Italiens ? Nous l’espérons.
En attendant, le vent du renouveau, au nom de notre culture, de notre langue, donc de notre nationalité, aura de nouveau soufflé dans nos vallées et l’expérience d’autres peuples, frères du nôtre, tels que les Jurassiens et les Québecquois, nous montrent largement que ce sont là les batailles payantes dans la direction de la liberté.


POLITIQUE DU TERRITOIRE
Quand un peuple aspire à l’auto-détermination, il doit poursuivre deux objectifs représentants les fondements irremplaçables d’une telle aspiration ; ce sont : la liberté politico-administrative et la liberté économique.
La recherche de la liberté économique passe par une gestion rigoureusement du territoire dont l’importance est de tout premier ordre. Le territoire représente en effet la richesse naturelle duquel chaque peuple puise les ressources nécessaires pour vivre.

Un territoire qui possède d’énormes richesses naturelles pouvant aller des ressources minières (pétrole, fer, charbon, etc.…) à des ressources paysagistes, devient rapidement une terre de conquête pour les grands « Truts » économiques internationaux, lesquels poursuivants des buts exclusivement spéculatifs ne prennent nullement en considération les exigences et les droits des peuples qui l’habitent.
La sauvage exploitation immobilière des côtes et des régions montagneuses ressemble souvent une à une espèce de « colonisation » et de rage qui sert d’exemple et dont le résultat final et très voisin de l’exploitation perpétrée dans les pays riches en matières premières.

A’ partir de ces prémisses, de caractère général, nous devons affronter de manière plus analytique, la réalité de notre territoire, pour voir ce qu’il est à présent, et ce que l’Union Valdôtaine voudrait qu’il devienne dans le futur, en gardant comme premier objectif notre aspiration à l’auto-détermination.
En Vallée d’Aoste, comme d’ailleurs dans toutes les régions alpines, le territoire a été dans le passé et pendant les siècles, l’unique source de subsistance, par le biais d’une exploitation intensive de type agricole. Etant donné, les caractéristiques géographiques de notre Vallée aujourd’hui pour un territoire d’une superficie de 3262 Km2 les glaciers et les forêts recourent 37% du territoire et les hauts pâturages 25%, il est aisé de comprendre combien a pu coûter, cette unique source de subsistance.

Même de nos jours, parcourant notre Vallée, à un observateur attentif ne peuvent échapper, le soin ainsi que l’immense dépense d’énergie, avec lesquels fut cultivée la terre, tirant des flancs arides et inaccessibles de la montagne de petits espaces où la terre devait être transportée sur le dos et soutenue par des muraillons de pierres, tout comme n’échappera pas l’emplacement des pays et des villages sur la partie du territoire la moins favorables aux cultures.

A tout cela, il faut ajouter l’extraordinaire morcèlement du territoire, certainement un des plus élevés, où pour une superficie de 322.600 hectares cultivables, on compte au moins 80.230 propriétaires comprenant les personnes physiques et sociétés, parmi lesquels 86% avaient en moyenne 2 hectares par tête, pour un total de 8% de l’entière superficie cultivable. A partir de ces données apparaît clairement le coût de ces ressources.
Après cette longue phase historique durant laquelle l’agriculture et donc le territoire cultivable sont pour le peuple l’unique source de subsistance, une évolution lente d’abord puis toujours plus intense s’est ensuivie, celle de l’exploitation des richesses su sous-sol, le territoire de la Vallée d’Aoste étant un des plus anciens du point de vue géologique, parmi celle-ci, les minerais suivants : fer, charbon, argent, cuivre etc. et simultanément le travail de ceux-ci et l’exploitation des forêts – du moins tant que les fours fonctionnaient au bois – et des eaux qui auraient dû par la suite se révéler prometteuses de grande richesse.

Cette deuxième phase avait déjà – bien que de manière modeste – contribué à rendre moins indispensable la sauvegarde des terres cultivables, que apparait une troisième phase qui par de l’exploitation d’une nouvelle richesse, appelée tourisme et qui a transformé le territoire.
L’amorce du développement touristique, localisé tout d’abord dans quelques centres de la Vallée d’Aoste (Courmayeur, Gressoney, Breuil) puis ensuite en bien d’autres endroits, a créé de nouvelles activités professionnelles comme la profession de guide, hôtelier et moniteur de ski, et bien autres activités en découlant. A la suite d’un tel développement dû principalement aux beautés grandioses des paysages de la Vallée d’Aoste, celle-ci devint en peu de temps terre de conquête, à la fois pour des spéculateurs externes et de chez-nous, qui virent dans l’exploitation immobilière une source inépuisable de gains. Ce nouveau type d’exploitation tirait sa justification en tant qu’indispensable tribut du développement touristique.

La naissance et la prolifération de nouvelles activités liées au tourisme, le développement industriel, les persécutions politiques durant la période du fascisme, engendrèrent une émigration vers l’étranger de milliers de valdôtains et simultanément une immigration équivalente de personnes venant de toutes les régions d’Italie, contribuant à alimenter un lent mais progressif abandon de la terre de la part des valdôtains. Ces processus changèrent, jusqu’à renverser, le rôle du territoire, producteur tout d’abord de biens nécessaires à la survie, pour devenir producteur de biens de consommation, avec toutes les conséquences négatives que nous analyserons.
Le plus évident des premiers aspects négatifs est qu’avec l’abandon progressif de la terre, se sont créées des conditions telles en faveur de la mévente sans discrimination de chaque mètre carré de terrain bâtissable, dans la perspective de transférer les surfaces et les revenus des actuels propriétaires aux entrepreneurs, à des agences immobilières et finalement à des privés pour la plupart d’origine extérieure à la communauté locale. La mévente de chaque mètre carré bâtissable, réduirait la Vallée d’Aoste à une immense et unique agglomération, de laquelle découlerait un processus irréversible de compromission du territoire, dans le sens d’une utilisation incorrecte du sol et de dégradation du paysage et du milieu.

Cette situation a entraîne et entraîne inévitablement de nombreux Valdôtains à renoncer à leur rôle tuteur du légal de leur propre territoire et d’accepter eux-mêmes de faire partie d’une classe subalterne.
L’abandon progressif de la culture des terres a de plus entraîné le dépeuplement de nombreux villages de montagne et cet état de fait, à cause justement des caractéristiques géographiques et géologiques de notre Vallée, risque de provoquer, devenant un territoire abandonné à lui-même, des dommages de type écologique et paysagiste dont les proportions seraient incalculables. Ce processus de transformation du rôle du territoire a déterminé l’affirmation d’une politique touristique qui s’est basée essentiellement sur la deuxième et la troisième phase, provocant dans bien de cas, la transformation des hôtels en maisons d’habitations, entraînant la diminution des emplois de type qualifié et de gestion.
L’affirmation de cette exploitation touristique n’a fait qu’accroître de façon vertigineuse le coût des infrastructures, lequel retombe entièrement sur les épaules de la communauté locale.

Finalement, la diffusion sans discrimination de l’activité d’édification résidentielle, décrèterait inévitablement, la fin de l’agriculture et des activités en découlant, avec le risque que les dernières zones cultivables finissent par être dégradée, s’en suivant pour l’organisme publique la charge de l’entretien du pré et du bois, coût qui comme celui des infrastructures retomberait encore une fois sur les épaules des communautés locales. La défense du territoire a toujours été pour l’Union Valdôtaine un des principaux motifs de son action politique, pour la recherche d’un équilibre entre les différences installations productives et les réelles possibilités réceptives aussi bien d’un point de vue physique que sociologique. A ce propos nous rappellerons que dès 1963, l’Union Valdôtaine, entra en lutte contre la spéculation touristico-édificatrice, conduite par des néocolonialistes, légiférant en la matière, et voyant régulièrement annulé les mesures prises en ce sens. De là, la dégénérescence de l’utilisation du territoire, auquel malgré nous, nous avons dû assister.

Cette nouvelle situation a provoqué de notables et parfois d’insurmontables difficultés pour les administrations communales, surtout celles plus directement intéressées par le « boom » touristique (Courmayeur, Breuil, Pila, Torgnon, etc.…). Celles-ci se sont trouvées souvent confrontées à un tel déploiement d’intérêts qu’elles n’ont pu bien des fois permettre la réalisation d’une juste utilisation du territoire. D’un côté en effet, il y a les grands « trusts » économiques qui cherchent à imposer avec arrogance sinon de manière effrontée la loi du profit, et pour laquelle, ils voudraient pouvoir construire toujours plus et partout ignorant systématiquement les intérêts et les droits des populations locales et ne négligeant aucun moyen pour y parvenir, soumettant au contraire bien de fois les administrations locales pour ne pas dire Régionales à de puissants chantages. D’autre part, de nombreux propriétaires alléchés par les offres paraissant fort flatteuse et voyant un moyen de percevoir des gains facilement – qui se sont puis ensuite révélés illusoires – revendiquent le droit de voir une bonne partie de leurs biens située dans des zones d’édification à bâtir.

De cette réalité, a jailli évidement de la part de ceux qui tirent des profits du territoire, division des administrateurs en deux catégories, les « Bons », c’est-à-dire ceux qui s’imposent comme objectif celui de faciliter ce type d’exploitation qui rapporte exclusivement des profits individuels et les « Méchants », c’est-à-dire ceux qui se rendent compte des conséquences négatives de ce type d’exploitation basée sur le profit individuel, comme étant le plus souvent défavorable à la communauté restante.
Parmi ces « méchants » administrateurs nous pouvons inclure pour une bonne part, les administrateurs de l’Union Valdôtaine, avec en tête le regretté Président Sévérin Caveri, dont les batailles pour la sauvegarde de la conque de Pila, pour ne citer qu’un exemple, ont été pour le moins historiques.

Ces administrateurs, partant du principe que chaque peuple a le droit d’utiliser les ressources de son territoire en harmonie avec les besoins propres réellement nécessaires, et a aussi le devoir de les défendre, avaient compris que les intérêts de notre communauté n’avaient rien de commun avec ceux des spéculateurs et ils n’avaient que faire des capitaux provenant de l’étranger. Cette attitude découle de la prise de conscience du rôle déterminant que joue le territoire, pour mener à bien la recherche de la liberté économique, composante indispensable à l’obtention d’une liberté totale, à savoir l’auto-détermination.
Les 1er Congrès doit, à partir de l’analyse de ces réalités, donner à l’Union Valdôtaine les lignes directrices de la gestion du territoire; lignes établies à partir de choix politiques précis et conscients, permettant aux Valdôtains de se réapproprier des richesses de leur territoire et de réaliser ces objectifs auxquels on ne peut renoncer, et qui sont très clairement énoncés à l’article 2 de notre statut. Pour atteindre de tels objectifs, l’Union Valdôtaine doit devenir toujours plus protagoniste d’une politique active et courageuse, qui à partir d’une logique voulant que des interventions rationnellement coordonnées dans les différents secteurs productifs, soient fonctionnels les uns par rapport aux autres, permette un développent ordonné et harmonieux. Dans ce contexte, savoir individualiser et gérer de manière correcte le rôle de la Région et des communes, revêt une importance capitale. La Région doit en effet suivant la direction que l’Union Valdôtaine lui a inculqué durant les dernières années, devenir plus que jamais l’organe propulseur d’une politique « régionale » et perdre donc cette caractéristique qui lui est propre depuis de début, de n’être que la « Super-commune ».

L’Union Valdôtaine doit donc se fixer, en s’appuyant sur la Région, un programme d’équilibre entre les différentes installations productives, qui d’après les lignes tracées par le Congrès, tende à la sauvegarde et à la récupération de notre immense territoire et admettre de manière concrète comme instruments réels de défense de notre territoire le potentiel que représentent l’agriculture et les forêts. En restant dans l’optique de cette programmation, une relance du tourisme serait souhaitable en tenant compte des réalités et des exigences ; un tourisme aux dimensions humaines tourné vers une récupération de l’immense territoire habitable jusqu’ici trop facilement ignoré, suite à une politique visant sans cesse la création de nouvelles installations. Dans ce but, une application rigoureuse et scrupuleuse de la législation urbaine de niveau national est nécessaire, compte tenu de notre particulière réalité. Le programme régional devra concevoir également quel sera le nouveau rôle de l’industrie, afin que sa structure soit légère, diversifiée, décentralisée et surtout non polluante : pour finir une politique avisée de l’exploitation des eaux qui contestera avec une volonté affirmée et avec fermeté la construction de nouveaux barrages.

Si le rôle de la région est de première importance, celui des communes l’est tout autant. Au cours d’une perspective sérieuse de décentralisation, ces mêmes communes devront retrouver leur vocation première et redevenir ces foyers de participation qu’elles ont été durant les siècles, en tant que communauté naturelle et non plus comme une agglomération fictive elles représentaient hier et elles représentent aujourd’hui le pivot essentiel de l’existence et du maintien sur place d’une communauté. Le rôle de l’organisme intermédiaire entre la Région et la Commune, à savoir la communauté valdôtaine, prend au contraire un aspect différent. Cet organisme dans l’esprit du législateur devait promouvoir, comme l’énonce en effet la loi, la valorisation des régions montagneuses homogènes pour lesquelles un rééquilibre est nécessaire. Actuellement il serait difficile de soutenir que la Vallée d’Aoste n’est pas composée d’une zone unique et homogène comprenant tout le territoire mais plutôt de sept zones. Cette subdivision est fictive et imposée par le « haut » ; elle représente une tentative trompeuse et périlleuse pour désagréger l’unité du peuple valdôtain dont les conséquences ne pourraient être pleinement évaluables aujourd’hui mais qui pourraient miner en fait la possibilité même de survie de ces entités ethniques. Il serait souhaitable que le Congrès s’appropria le sens et l’esprit du document sur la décentralisation d’avril 1977 élaboré par la commission « Pouvoirs locaux » de l’UV afin que l’action de notre Mouvement pour la défense du patrimoine que représente le territoire soit incisive, ferme et sans fléchissements.


ECOLOGIE
Les Alpes, patrimoine de l’Europe, constituent une unité d’importance vitale du point de vue naturel, historique, culturel et social. Elles ont joué un rôle parquant en divisant, modifiant et affinant les grands courants. Malgré des relations et des liaisons parfois difficiles entre les peuples et les régimes politiques, une culture alpine distincte vit. Bien que les Alpes n’aient jamais connu d’unité politique, le genre de vie et les activités de leurs populations présentent des caractéristiques d’une similarité frappante. Cet héritage est en danger. Le 20ème siècle a apporté aux besoins, aux coutumes et aux modes de vie traditionnels des changements brutaux. L’industrialisation, la mécanisation et les loisirs ont affecté le système social t augmenté les moyens de transformation de la nature. Dans les Alpes, ces changements prennent une dimension considérable. Plus que partout ailleurs, l’équilibre entre elle se retourne immédiatement contre l’homme, de même que toute modification profonde des conditions d’existence de celui-ci se répercute sur la nature qui l’environne.
Toutes les mutations ont amené des forces nouvelles qui croissent au sein des communautés alpines tandis que d’autres s’exercent à l’extérieur. Il est urgent que les peuples et les gouvernements réévaluent globalement les fonctions et les valeurs des Alpes et d’engagent dans la voie d’action adaptée aux circonstances.

Voilà que nous assistons depuis quelques années à un débat de plus en plus acharné sur l’écologie, qui n’a pas manqué d’affecter aussi notre Vallée. Tout en exprimant notre satisfaction pour cette prise de conscience généralisée des nuisances parfois très graves propres aux sociétés industrielles, nous tenons néanmoins à nous dissocier à tout prix de certaines positions tout à fait irréalistes des inconditionnels de l’écologisme, dont nous ne nous sentons pas de partager l’incongruité et même le paroxysme.
Avant même d’aborder le problème de l’écologie, il faudrait s’étendre sur la signification du mot, et ceci par un simple souci de clarté et pour ne pas parvenir à des conclusions erronées. Nous pouvons nous limiter à deux interprétations principales du mot, ou mieux du concept d’écologie, négligeant les autres, trop personnelles:

1.L’interprétation scientifiques, suivant laquelle l’écologie n’est autre que l’étude du milieu où vivent et se reproduisent les êtres vivants, ainsi que des rapports de ces être avec le milieu.
2.La plus connue, qui consiste en une optique d’esthète plutôt salonnarde issue de certains milieux privilégiés, répandue par le moyen des grands organes d’information.

Or, dans le domaine de l’administration publique il n’est pas possible d’épouser entièrement l’une de deux thèses, car il et nécessaire de tenir compte de plusieurs autres aspects de la réalité, tels l’aspect social et l’aspect économique, qui ne tolèrent ni rigorisme scientifique ni la banalisation des idées reçues. L’homme politique doit concilier sans céder pour autant sur les principes et, à la fin, trancher.
Dès lors, il nous paraît évident que dans la pratique le mot si abusé de « écologie » ne peut et ne doit signifier autre chose que la bonne gestion du territoire et du milieu environnant, s’appuyant sur la parfaite connaissance de tous leurs éléments, ainsi que l’administration compétente et avisée des deniers publics.

Economie = écologie doit donc être dorénavant notre devise, car une gestion correcte du territoire et du budget, évitant le gaspillage des ressources aussi bien économiques que naturelles, aurait comme conséquence directe un plus grand respect du milieu environnant sous tous ses aspects. Ainsi, tout gaspillage du territoire et de ses ressources se traduit automatiquement par une perte économique, à courts ou à long terme.
La rationalisation des activités humaines est donc le point de départ essentiel. Mais elle se fait uniquement à travers un choix sévère des priorités évitant toute démagogie. Ce qui n’est rien d’autre que la planification. Dans ce contexte, il ne serait pas vain de dilater le concept d’écologie à la présence humaine, au lieu de le limiter aux aspects purement naturels, car l’homme aussi est profondément inséré dans la nature, et mérite évidemment notre respect et notre attention. Une action vigoureuse doit être entreprise et menée à fond pour que les habitants de la Vallée d’Aoste puissent mieux se réaliser et s’épanouir, à travers des mesures sociales adéquates et l’élévation du degré de leur préparation culturelle. Autant que possible, il ne devra pas y avoir de personnes laissées à l’écart de la société.

Cette véritable écologie humaine ne sera possible qu’à travers le développement et la diffusion graduelle d’une nouvelle philosophie de la vie, indispensable pour que soient acceptées certaines restrictions dans le standard de vie, conséquence de la colossale redistribution en cours des ressources à l’échelle mondiale. Les peuples demeurés longtemps à la traîne réclament justement leur part, à demandent à ceux qui sont nantis de la générosité et des sacrifices. Nous devrons tous savoir réduire nos besoins matériels en commençant par les superflus. Nous devront briser des idoles, renoncer à des fétiches, remplacer certains symboles de notre société; le livre devra prendre la place de la voiture.

La Vallée d’Aoste se doit de participer à cette nouvelle politique, en organisant sur d’autres bases sa vie administrative. Nous pourrions faire beaucoup plus et mieux avec nos disponibilités, si seulement nous voulions nous donner d’autres directives. La satisfaction des besoins individuels devrait être remplacée par celle des besoins sociaux tels que ceux qui sont liés à la santé, à la culture, aux transports en commun, à la distribution des biens, à l’agriculture et au tourisme.

C’est dans la planification territoriale qu’on peut trouver une première réponse à ces nécessités. La planification territoriale s’exprime en directives négatives et positives, les premières précédant et accompagnant les secondes. L’action négative doit consister dans l’application rigoureuse des lois pour la protection du milieu environnant et du paysage dans tous leurs aspects, et dans la promulgation de nouvelles lois, si besoin est. L’action positive doit déterminer les modes d’intervention en canalisant les activités humaines dans la direction préalablement fixée par les organes politiques. Dans cette optique, nous devrons tout d’abord lutter contre les spéculations et toutes les autres activités qui contribuent à porter atteinte au milieu et au paysage et à détériorer les ressources naturelles : expansion anarchique de la résidence secondaire, routomanie, structures pour le ski compromettant l’intégrité des forêts, pollution sous toutes ses formes, pour ne citer que les principales sources de dégradation du territoire. Tous les partis et mouvements politiques devront donc se mettre d’accord pour qu’on étudie et adopte une bonne fois pour toutes un plan d’aménagement de la Région, basé sur de rigoureux caractères scientifiques et économiques, qui devrait être le fruit, au niveau technique, d’une collaboration interdisciplinaire, et non pas le monopole d’une seule catégorie professionnelle privilégiant l’aspect de l’urbanisme et de ses infrastructures.

La conception même de l’aménagement devrait être révisée à fond, car beaucoup d’erreurs commises jusqu’ici lui sont imputables : la délimitation des espaces verts devrait précéder dorénavant tout plan d’expansion des centres habités sans plus en être conditionnée. Une carte écologique qui tiennent compte des vocations et des potentialités réelles du territoire devrait être dressé. Car seulement un recensement de ce genre, sous la forme d’un atlas synoptique de toute la région, nous donnerait la possibilité de concilier des objectifs parfois opposés et de faire des chois qui ne soient pas seulement le fruit de l’inspiration du moment où de l’influence d’intérêts particuliers. Il n’y a qu’à faire l’exemple des domaines skiables, souvent en opposition avec l’objectif de la sauvegarde du milieu, et dépourvus de toutes chance d’avenir, car, malgré l’opinion courante, la morphologie du territoire et le type de climat propres à la Vallée d’Aoste ne sont pas des plus favorables au ski de descente. Que de bois ont été sillonnés pour l’ouverture de remonte-pentes, des pistes de descente et de lignes électriques, sacrifiant l’intégrité de la nature à des réussites économiques douteuses! Un plan des domaines skiables qui tienne compte des exigences de la nature s’impose. Et n’oublions pas que les espoirs des montagnards reposant sur le développement des sports d’hiver ont été souvent déçus par des promoteurs de tout acabit, soucieux seulement de tirer le plus grand profit de l’industrie du bâtiment de la résidence secondaire, facilitée par le mirage trompeur de la double saison de l’enrichissement rapide. Nos montagnards doivent garder leurs chances entièrement en main et apprendre à détecter les faux prophètes du progrès.

Mais même le meilleur des plans d’aménagement est destiné à rester un instrument inutile s’il n’est pas accompagné d’un plan d’action issu des mêmes principes et lui assurant un soutien et une valeur dans le temps. Car il n’est pas suffisant d’adopter des mesures visant à éviter que la dégradation des valeurs naturelles continue : nous nous devons de dire aux gens par quoi entendons remplacer, et en mieux, le mode de développement que nous critiquons.
Or, il est évident que si nous voulons limiter le discours à la protection de la nature, nous devons trouver le moyen d’assurer celle-ci tout en aidant le tourisme, qui est en même temps la cause principale des dégâts et l’activité sur laquelle se fonde l’espérance de notre peuple. Le noyau du problème est donc là.
Or, il y a de nombreux types de touristes, qui se différencient d’après leurs choix préférentiels même à l’intérieur de notre Vallée. Leurs choix ne sont pas la conséquence de leur pouvoir d’achat uniquement : même les villages les plus perdus peuvent attirer une clientèle de choix, si l’organisation est à la hauteur.

Dans la présente situation de nivellement et abaissement des revenus chez les peuples occidentaux, et surtout en Italie, nous avons intérêt à agrandir l’affluence des touristes chez nous par une organisation parfaite ne laissant rien au hasard. Puisque il y a belle lurette que le tourisme d’élite a cessé de peser lourd en présence d’un mouvement de masse de moins en moins élitaire, nous ne pouvons qu’en tenir compte, et comprendre que le niveau des entrées de provenance touristique est proportionnel à la masse. Le tout est de créer des structures aptes à l’accueil et à la dispersion de cette masse dans l‘ensemble de la Région.
Pas de pôles privilégiés, qui entraînent des dégâts concentrés. Toute la Vallée d’Aoste est à visiter et à connaître, tous nos villages sont beaux et dignes de séjour.

Comment y parvenir ?
Bien sûr, il faut un plan d’action orientant toutes les forces dans la bonne direction. Mais il faut d’abord le remplir avec des idées cohérentes. Sans avoir la prétention d’être exhaustif, en voici quelques unes :
-miser sur l’agrotourisme, créant une organisation sérieuse sur l’exemple de ce qui se fait déjà dans certains pays de l’Europe à l’avant-garde ;
-doter cette forme de tourisme de structures adéquates, parmi lesquelles doivent figurer non seulement des sentiers clairement balisés, mais aussi des parcs naturels régionaux.
-prendre en charge l’alpinisme qui lui aussi peut, et doit, devenir de masse. Qu’il ne soit plus limité aux éternels Mont Blanc, Grand Paradis, Mont Rose, Cervin et Grand Combin.
Toutes nos montagnes sont belles et dignes d’être escaladées. Que la pratique de l’Alpinisme recouvre la région entière. Mais pour cela il faut multiplier les refuges en y mettant les fonds nécessaires.

Le CAI ne peut pas suffire à lui tout seul. Pour les excursionnistes adapter les alpages, les mayens et les hameaux les plus élevés.
Dans ce contexte, l’agriculture est destinée à avoir une grande importance, car elle est le support naturel de l’agrotourisme, elle contribue au cadre naturel dans lequel nous vivons et qui est si propice au tourisme, et, si elle sait s’organiser sur des bases plus modernes et rationnelles, elle pourra devenir la ravitailleuse principale du marché valdôtain qui se fournit actuellement à l’extérieur.
Mais pour la réussite, il faudra changer radicalement les critères d’aide à l’agriculture : les aides individuelles devront laisser la place aux encouragements, aux associations. Les petits ou gros subsides ne font qu’entretenir les structures périmées qui sont à l’origine de la crise de l’agriculture. Nous devons aider notre agriculture à devenir plus grande et plus forte, sous peine de disparition, qui entraînerait aussi la nôtre. Des études devraient être faites sur les possibilités de application chez nous des techniques les plus modernes : pour citer un exemple, le climat de l’adret se prêterait merveilleusement à la culture en serres, source de revenus non négligeables en toutes saisons, et à la culture de plantes officinales.


L’AGRICULTURE
L’agriculture est un secteur d’importance vitale pour le développement de la société valdôtaine, même si le rôle qu’elle assumait pendant ces dernières années est devenu insignifiant dans le contexte actuel. Le territoire valdôtain d’une superficie égale à 322.600 hectares est pour 1/3 improductif. Les 2/5 sont des champs non cultivés, de maigre production, et des bois stables de maigre valeur. La superficie agricole utilisée est égale aux 37%, desquels 100.000 hectares sont des près et des pâturages, 10.000 hectares seulement sont des champs destinés aux cultures. L’histoire valdôtaine met en évidence le rôle que l’agriculture a joué quand elle représentait l’unique moyen de subsistance économico-alimentaire de la population valdôtaine. Durant l’époque sarde l’agriculture surprit par sa grande variété. Les céréales mûrissent jusqu’au dernier hameau, le seigle se rencontre à 2000 mètres d’altitude (Bionaz, Chamois) à des altitudes inférieures le froment et l’orge sont les cultures plus fréquentes.

Vers la moitié du 18ème siècle, la culture de la pomme de terre et celle du maïs furent introduites dans la vallée centrale, la châtaigne devient une nouvelle base d’alimentation, le déficit des céréales n’est pas très élevé, si l’on exclut la basse vallée où les terrains sont moins étendus. A travers le couloir central, prospèrent les arbres fruitiers et la vigne donnant de bons résultats d’un point de vue économique à tel point que des normes limitatives doivent être introduites pour éviter de recourir à l’extérieur pour l’achat des céréales. La culture du chanvre s’étend jusqu’à la Valdigne. La présence du lin et des vers à soie n’est pas très considérables. En montagne, le travail est très dur surtout à cause des moyens rudimentaires employés, si l’on exclut les terres de la Vallée centrale où l’on utilise la charrette, l’unique moyen de transport est le mulet.

Les champs produisent peu, le fumage a lieu régulièrement tous les trois ans, le seigle produit sept fois la semence sur des champs biennaux, à Ayas les paysans se volent de la terre mutuellement, dans bien de Communes on doit tous les trois ans reporter de la terre là où le champs est le plus élevé, la plus massive production de céréales s’enregistre à Saint-Christophe, avec 19 quintaux par hectare, ainsi que la plus forte production vinicole avec 26 hectolitres par hectare.
Les paysans de la vallée centrale habitant sur les hauteurs, destinent leurs terrains à la vigne, ceux qui n’en possède pas se consacrent au travail de la vigne et couvrent 1/3 de la production, les propriétaires devant fournir le bois et les accessoires nécessaires à l’exploitation. De nombreux paysans quittent les hauteurs durant la période hivernale pour venir habiter plus bas dans la vallée centrale où ils se sont fait construire une maison. En basse vallée le phénomène ne se répète pas à cause de l’exigüité des espaces.

Le bétail est la richesse principale, qui avec la vigne rapportent aux paysans la majorité de leurs revenus, en 1872 sur les hauteurs on compte pour 100 habitants 80 bovins et à peut près 140 chèvres et moutons, tandis que plus bas et dans la vallée centrale de 80 on passe à 53 et de 140 à 116. Dans la basse vallée prédomine le petit bétail qui trouve sur les pentes abruptes des collines, des pâturages plus adaptés aux animaux de petite taille. Le plus imposant troupeau existe à La Salle, mais c’est surtout à Champorcher, Brusson, Courmayeur et à La Thuile que l’élevage des animaux de petite taille est prépondérant.

Ceux-ci durant la période hivernale sont transférés dans le Canavais (6000 têtes) et en Savoie. Le petit bétail fournit : fromage, viande, laine et peaux. Les bovins se composent pour 60% de vaches laitières, 20% sont de veaux, 17% des génisses et 3% sont des taureaux, leur élevage est très coûteux, à cause d’une pénurie de près sur lesquels pratiquer la fauche du foin pour l’hiver. En beaucoup d’endroits, une seule fauche est pratiquée, avec une moyenne de 25 quintaux par hectare, lorsque l’on pratique deux fauches la moyenne atteint 40 quintaux, dans la région centrale, on recueille l’herbe des vignobles, dans les communes de la vallée de Gressoney et dans la basse vallée, les femmes vont couper du foin qui servira pour deux mois, sur les pentes avec la faucille, car dans ces régions les prés sont rares, la paille est très souvent utilisée comme fourrage pour les bovins. Les alpages sont peu entendus, seulement 10% de ceux-ci accueillent plus de 50 têtes de vaches laitières pour une durée réduite à 35-40 jours, sauf dans la vallée du Grand-Saint-Bernard et du Grand Paradis, et de la Valpelline où les alpages sont plus vastes, presque tous accueillent bien plus de 50 têtes de bétail laitier et pour une durée de 90-100 jours.

Les productions prépondérantes des alpages sont le gruyère et la fontine. La vallée se divise en diverses zones productrices, le gruyère dans les vallées de Rhêmes, Cogne, La Thuile, Bionaz ; la fontine dans les vallées de Nus, Torgnon, Valtournenche et Fénis. Dans les vallées de Gressoney et de Chanporcher, ainsi qu’en bien d’autres endroits, on y rencontre plutôt une production de type familial de petits fromages partiellement écrémés et du beurre.
Le patrimoine bovin durant les 50 années qui vont de 1830 à 1880 atteint environ 41.000 têtes tandis que parmi les chèvres et les moutons on enregistre une diminution de 108.000 têtes, cette diminution apparaît surtout dans les communes situées en basse altitude.

L’agriculture fait objet de nombreuses sollicitations, environ vers 1850 se constitue la première « Société Agricole », et en 1867 se crée le « Comité Agricole d’Aoste » donnant le feu à l’assainissement des « Glair » de Pollein, Quart, Diémoz. En 1853 à Etroubles, la première laiterie à caractère social appelée « Tournaire », à Châtillon on crée la première école pour la formation de futurs fromagers en 1873, dans plusieurs communes sont organisés durant la période hivernale des cours d’agronomie et durant le dernier quart de siècle, la Vallée d’Aoste devient le spécialiste de la production de Fontine. Le Comité Agricole améliore l’élevage des bovins, encourage la sélection des vaches laitières désignant comme laitière supérieure la « pie rouge » qui trouve meilleur accueil sur les marchés (Savoie et Piémont).

Les résultats sont positifs, en un temps bref la Fontine, dont la production est en 1880 de 4.000 tonnes, atteint 6.000 tonnes en 1897. En 1880, a lieu la première exposition de ce produit exclusivement valdôtain, accompagné d’un lancement à grande échelle. Les revenus réalisés en 1896 se répartissent de la manière suivante : 83% proviennent de l’élevage du bétail, 1,5% de l’Industrie et des Mines, le reste provient de productions agricoles variées. En 1886, 200 hectares supplémentaires sont à leur tour assainis et on augmente l’utilisation d’engrais chimiques, de 10 tonnes à 300 tonnes, on étend également de manière plus vaste la culture de la «Reinette ». Depuis 1885, existe et fonctionne une école d’agriculture et en 1890 nait à Aoste le « Syndicat Agricole et viticole valdôtain » ; toujours en 1890 on ouvre une école pour le travail artisanal du bois. Les Caisse rurales émettent des prêts à un taux modéré de 5%, mettant un frein à la loi néfaste de 1857 qui autorisait l’émission de prêts à des usuriers, instrument visant à réduire le champ d’interventions pourtant nécessaires dans le secteur agricole.

La vigne, culture pratiquée dans 38 communes, subit les premières attaques du « Philoxera » en 1896, faisant suite à trois années de sécheresse, qui se propage dans toute la vallée, réduisant de 20% la production de vin, qui atteignit annuellement 42.000 hectolitres. Ce sont les premiers symptômes de la décadence de l’agriculture, les étables sont médiocrement organisées, les laiteries mal entretenues, fournissent une moyenne de 600 Kg de lait, inférieure à la moyenne enregistrée au niveau national (Italie 1861), 800 hectares sont détruits le long de la Doire, à la suite d’inondations dues aux pluies diluviennes après les trois années de sécheresses. La mécanisation agricole évolue lentement à cause de la crise économique nationale, aggravée en Vallée d’Aoste par la séparation avec la Savoie. Cette séparation et la création de la douane ont modifié radicalement les liens économiques à cause des politiques protectionnistes prônées par le gouvernement nationaux. La Vallée d’Aoste avait toujours exporté vers la France de grandes quantités de bétail, fromages et beurre ; la balance commerciale était des plus favorables, malgré la courte période d’inter-échanges. L’ouverture du Tunnel de Fréjus, voie de communication accessible toute l’année, favorisa les échanges de la France avec le Piémont, au détriment de la Vallée d’Aoste. Les chemins de fer facilitent une large diffusion d’idées nouvelles, permettant aux valdôtains de connaître la vie en plaine, les méthodes pratiquées dans le travail, les revenus produits par un emploi dans l’industrie ou dans l’agriculture, poussant les jeunes à une émigration définitive.

Propriété foncière et gestion.
L’héritage en Vallée d’Aoste a toujours été divisé en part égales parmi les héritiers et les parcelles sont devenues toujours plus petites surtout chez les particuliers. L’enquête sur la propriété en Italie, révèle l’extraordinaire pulvérisation de la propriété en vallée, 80.230 propriétaires se partagent les 322.600 hectares de superficie, parmi lesquels communes, région, sociétés ; 86% des propriétaires possèdent moins de deux hectares, pouvant aller jusqu’à 2,6 hectares en tenant compte de la partie réservée aux consortiums, incluant les terrains improductifs, les champs de maigre production et les bois. Seulement 1% des propriétaires possèdent plus de 50 hectares, en général, les organismes et les consortiums détiennent le ¾ du territoire valdôtain.
En 1929, 80% d’entre eux gèrent directement leur propriété, pourcentage réduit à 65% en 1961.

Cultures
1929 – 11.006 hectares 1961 – 6.915 hectares
1970 – 3.272 hectares
Céréales
1900 – 8.000 hectares
1929 – 5.830 hectares
1951 – 3.905 hectares
1966 – 1.775 hectares
Pommes de terre
1951 – 1950 hectares
1966 – 870 hectares
Vigne
1929 – 1.780 hectares
1947 – 1.400 hectares
1966 – 2.947 hectares
Arbres fruitiers
1948 – 14 hectares
1953 – 22 hectares
1961 – 36 hectares
1966 – 157 hectares

L’irrigation.
L’irrigation est un des plus évidents succès de l’agriculture valdôtaine ; les Valdôtains sont orgueilleux des ruisseaux anciens véritables chef-d’œuvre de l’ingéniosité valdôtaine, mais oublient trop souvent que leur entretient demande une manutention continuelle et onéreuse. 40% de la superficie agricole est irriguée, la presque totalité avec la méthode du d’ébarbement ; l’irrigation à pluie a contribué à augmenter la production de nombreuses cultures, et s’exerce sur 6-7% de la SAU, utilisant une faible quantité d’eau.

L’élevage du bétail.
Le bétail a été et est la seule richesse de l’agriculture, l’administration régionale a également concentré son attention sur cette activité, tout particulièrement à l’égard des bovins dont la population s’est maintenue autour de 40-50 mille (5000 pie noire). La qualité a été également soigneusement suivie, la pie rouge laitière est toute indiquée pour les régions montagneuses, sa faculté d’adaptation au climat et aux particularités des pâturages, 100.000 têtes de race valdôtaine pie rouge sont présents sur le restes du territoire italien.
La pie rouge est la meilleure laitière, quantité produite entre 2,5 – 3 kg. ses autres qualités la longévité et la résistance à la tuberculeuse. Depuis 1962, l’Assessorat à l’Agriculture a lancé la campagne d’assainissement du bétail, récoltant des résultats positifs contre la brucellose et la tuberculose, qui peuvent être considérées vaincues. La diminution des animaux de petite taille a été constante pour se stabiliser, mais les quantités sont dérisoires d’un point de vue économique.
1961- Bovins 47.224
1970 – Bovins 37.561 – Moutons 4.025 – Chèvres 2.512 – Cochons 1.453
1977- Bovins 45.237- Moutons 6.485 – Chèvres 2.928 – Cochons 1.503
On rencontrait des bovins dans 8.107 fermes en 1961, en 1971 en n’en comptait plus de 5.225, pour passer en 1977 à 4.327. Le lait recueilli est pratiquement entièrement transformé en Fontine, aussi durant l’été dans les alpages, que durant l’hiver grâce à des laiteries tournantes et à des coopératives de transformation du lait, seule une part minime est commercialisée par la centrale du lait d’Aoste. 80% de la Fontine est recueillie, conservée et commercialisée par la coopérative des producteurs de Fontine fondée en 1957 et comptant 400 adhérents. La production ainsi recueillie subit des écarts qui oscillent entre 15 et 25% et seulement les 50% sont de première qualité.

Agriculteurs
Entre le recensement de l’agriculture de 1951 et celui de 1961, on relevait en Vallée d’Aoste le chiffre de 13.169 fermes en fonction dont la population atteignait pour le secteur 32%. En 1970 les exploitations en fonctions étaient au nombre de 11.380 dont 3.148 gérées par des agriculteurs qui avaient une activité prépondérante dans un autre secteur. En 1973 étaient assurés en tant que cultivateurs directs 4.111 personnes parmi lesquelles 2.147 femmes, et en 1975 les 7.856 inscrits sur les listes SCALI représentaient 7% environ de la population valdôtaine.
D’après le recensement de 1961, les exploitations gérées par les salariés s’élevaient à 787, tandis qu’en 1971, elles se réduisaient à 599. Les travailleurs directs du secteur agricole se répartissaient de la manière suivante, en 1975 :
– Journaliers de campagne 665
– Salariés fixes 146
Interventions économiques de la Région
Les ressources financières de la Région destinées au secteur pour l’exercice 1970, furent distribuées dans chaque secteur comme suit :
-Interventions dans le domaine des habitantsL. 360.000.000
-Interventions dans le domaine économiqueL. 2.081.000.000
-Dépenses courantes L. 739.000.000
TOTAL L. 3.181.000.000
A partit des deux variations apportées au bilan au cours de l’exercice, tenant compte des variations en augmentation et en diminution, ont été ajoutée dans différents chapitres, autre 143.800.000 de lires. La disponibilité économique de l’exercice se montait à la somme de 3.324.800.000 lires.
Les ressources financières destinées au secteur agricole pour l’exercice 1978 :
-Interventions dans le domaine des habitantsL. 360.000.000
-Interventions dans le domaine économiqueL. 7.172.000.000
-Dépenses courantes L. 2.993.000.000
TOTAL L. 10.525.100.835

A la suite d’une variation du bilan, approuvée au cours de l’année, l’assesseur à bénéficié d’une disponibilité économique majorée de 2.730.256.000 lires ainsi repartie:
-Dépenses courantes L. 508.500.000
-Dépenses pour immobilisations L. 2.221.756.000
TOTAL L. 13.251.356.835

L’analyse des données met en évidence le déclin progressif de l’agriculture qui s’est accentué après la 2ème guerre mondiale, les champs et les prairies disparaissent peu à peu, seul l’élevage se maintient à un niveau satisfaisant. La politique d’industrialisation poursuivie par l’Italie a transformé la société, nos politiciens eux-mêmes ont tourné leur attention vers l’industrie et vers le tourisme sans leur attribuer un caractère valdôtain, oubliant de programmer le développement de notre agriculture. Les organismes locaux tournés vers l’urbanisme ont favorisé la vente des terrains à d’importante sociétés immobilières qui pour recréer des conditions citadines, agréables aux touristes, ont détruit les plus beaux sites par l’expansion rapide de l’utilisation du ciment.

Les forces politiques, les associations agricoles, au lieu d’orienter ont en fait subi l’agriculture convaincues que notre agricultures n’était pas productive, mais qu’il fallait en continuer l’exploitation pour le tourisme et pour éviter la dégradation du territoire, elles ont donc relégué l’agriculture à un rôle de gardien de la nature qui par son travail contribuait à maintenir toujours verte la Vallée d’Aoste et auquel il aurait fallu garantir un minimum d’assistance économique et sociale.
L’Administration régionale a fait durant ces dernières années des investissements conséquents dans le domaine agricole soit pour réaliser des infrastructures soit pour augmenter la coopération, souvent pourtant sans une vision de l’ensemble des problèmes et surtout sans études sérieuses sur l’orientation à donner à notre agriculture.
La politique des contributions à fond perdu, pratiquée par l’assessorat de l’Agriculture, n’est pas en mesure de résoudre les problèmes de notre agriculture, il faut alors concentrer nos efforts sur la recherche, l’analyse du territoire desquelles doivent surgir les choix des cultures plus adaptées à nos propres zones, les méthodes de travail à adopter, les interventions structurales à effectuer.
Les exemples nous parviennent d’autres régions alpines semblables à la nôtre : le Valais, le Tyrol du Sud, la Valtelline, Saluzzo où l’agriculture joue un rôle important. Dans le Valais, la culture prépondérante est la vigne d’après les profits élevés qu’elle garantit également en relation avec la politique protectionniste suisse, viennent ensuite les arbres fruitiers et les légumes, l’élevage se rencontre là où l’on ne peut pas pratiquer d’autres cultures.

Dans la Valtelline et dans le Tyrol du Sud où l’on se retrouve un milieu semblable au nôtre, la culture principale est la culture fruitière, la vigne est cultivée sur les coteaux exposés au soleil, l’élevage se pratique sur les hauts alpages. On peut dire de même pour la région de Saluzzo-Cuneo, même si durant ces dernières années, on enregistre le développement de la culture des fruits de petites dimensions (framboise, myrtilles, mûres etc.).
Cela ne nous oblige pas à copier tout ce qui se fait dans ces régions mais il paraît indiscutables de définir l’intervention publique à appliquer dans le domaine agricole ; la presque totalité de la superficie agricole utilisée est, par ordre d’importance occupée par les cultures suivantes : prés et pâturages, vigne et culture fruitière.
Des trois cultures pratiquées, la plus rentable est sûrement, par rapport à la superficie occupée et si elle est pratiquée de façon intensive, la culture fruitière, puis ensuite la viticulture et en dernier lieu la culture fourragère avec l’élevage du bétail.

Culture fruitière.
La production par hectare en Vallée d’Aoste est nettement inférieure comparativement à celles des régions montagneuses ; les causes proviennent de la non spécialisation des vergers, au manque de sélection de la production et aux techniques employées souvent approximatives.

Viticulture.
Depuis ces dernières années la viticulture est en nette reprise, portant des 5.041 viticulteurs, 80 seulement disposent de plus d’un hectare le rendement moyen est inférieur à celui obtenu à Bolzano de 50%, les causes sont imputables au morcèlement de la propriété, aux techniques de l’épandage de l’engrais, aux traitements antiparasitaires, à l’élagage et à la non sélection des cépages.

Cultures fourragère
D’après l’examen comparatif avec les autres régions semblables à la nôtre, la production valdôtaine est en moyenne inférieure de 50%. Les causes proviennent d’une part de la détérioration des près et des pâturages (emploi de fumier non encore fermenté, fauche trop précoce, absence de roulage et de désherbants etc.) et d’autres part l’emploi de semences non adaptées aux cas rares de réensemencement. L’accroissement de la production fourragère n’entrainerait pas forcément l’accroissement du patrimoine bovin, étant donné qu’une grande partie de fourrage possédant des caractéristiques différentes est importé et utilisé pour alimenter les laiteries sans qu’on y apporte des correctifs alimentaires, créant ainsi des ennuis sérieux au moment de la transformation du lait. Certaines initiatives à revaloriser l’agriculture ont déjà été mise en œuvre, en premier lieu la convention avec l’école d’agriculture qui forme chaque année de jeunes agriculteurs spécialisés.
La création de la « Pépinière Régionale » dans le domaine de la viticulture, les études et les expérimentations dans les différents secteurs prouvent l’intérêt que suscite ce secteur.
Il faut également faire part du fait même qu’aucun héritier n’est disposé à renoncer à sa part d’héritage, que de gens travaillent à mi-temps, que beaucoup de communes ont crée des plans d’aménagement visant à réduire les zone d’expansion urbaine qui ont rencontré en partie le consentement de la population, sont les preuves de l’attachement du Valdôtain pour la terre, lequel pour durer, doit devenir avant tout un choix économique. La première chose à faire est d’enrayer la conviction de la non productivité de notre agriculture, mais qu’il faut la conserver, pour y parvenir il faut faire des choix qui requièrent l’intervention publique.

Les hommes politiques hésitent à prononcer des choix, parce que ceux-ci provoquent en général au premier abord, des troubles aussi bien au niveau de l’organisation qu’au niveau de l’administration ou parce que ces mêmes politiciens sont tout à leur campagne électorale, pourtant il y a des moments où ces choix s’imposent quelque en soit le coût, surtout lorsque ils sont destinés à redonner un rôle à un millier de travailleurs en leur garantissant la dignité et la juste considération de la société.
L’Union Valdôtaine d’après les résultats fournis par les expérimentations et les études et en attendant qu’elles s’étendent à tout le territoire donne, dans le but de contribuer à la revalorisation du travail de nombreux Valdôtains, la liste des initiatives à entreprendre dans les secteurs agricoles :
Zootecnie :
-Augmentation quantitative et amélioration qualitative de la production fourragère ;
-Amélioration des conditions hygiéniques des étables ;
-Sélection des vaches d’après leur fécondité en créant des arbres généalogiques de la race valdôtaines ;
-Intensifier la fécondation artificielle. Etudier la création d’hybrides pour la production en viande ;
-Créer de bonnes conditions pour que les alpages retrouvent leur rôle économique et social grâce à la restructuration des établissements destinés au logement du bétail, de ceux destinés aux habitations ou encore ceux destinés à la transformation du lait, munir les alpages de voies de communication adéquates ;
-Adapter les structures de la transformation du lait durant les périodes hivernales ;
-Etudier une diététique alimentaire pour les vaches laitières.


VITICULTURE – ŒNOLOGIE
Ces dernières années notre viticulture a fait de grand progrès. Mais il y a encore beaucoup à faire soit dans la réimplantation, soit, surtout, dans l’amélioration des vins. Les principaux responsables du progrès de la viticulture ont été : les Associations des Vignerons pours la vente des vins ; l’Administration régionale aves ses contributions et son Service de Vulgarisation ; l’Ecole Régionale d’Agriculture avec ses cours et ses vignobles démonstratifs.
Beaucoup a été fait, mais il reste encore bien à faire. La réimplantation a été pour trop longtemps chaotique avec l’introduction de cépages pas adaptés.

Seulement récemment avec l’entrée en production de la pépinière régionale, on a pu mieux l’orienter avec la fourniture de variété de qualité. Le plus gros souci reste encore la qualité de nos vins. En commerce on trouve encore trop de vins de qualité insatisfaisante et inconstante. Pratiquement notre région est l’unique où les vignerons vinifient leurs raisins et commercialisent le vin. Cela porte pour conséquence une faiblesse dans le secteur commercial et une pléthore de qualité, plus au moins bonnes, de vins qui n’arrivent pas à se grouper en sociétés pour une bonne vinification des raisins. Comment réussir dans cette tâche ? Nous croyons que les aides financiers pour bâtir des caves sociales ne sont pas suffisants, il faut aussi convaincre les viticulteurs de la nécessité de se grouper avec des conférences, des cours et des visites à des réalisations pratiques.

Viroses

Nos vignes sont fortement infectées par les virus. Les parasites causent la dégénération des ceps et entrainent une sensible diminution de la production. Il s’impose un programme d’assainissement comme ils ont déjà commencé à faire les suisses.


ARBORICULTURE FRUITIERE ET PETITS FRUITS
L’arboriculture fruitière est le secteur productif sur lequel doivent se concentrer nos efforts. Les raisons ? Les voilà :

  • elle a fait la richesse de plusieurs régions alpines semblables à la nôtre ;
  • nous avons un climat et un terrain qui lui est favorable ;
  • elle s’adapte mieux, que tant d’autres cultures, à nos fermes petites et morcelées ;
  • elle permet aussi le part-time (double travail) que chez nous est largement pratiqué ;
  • c’est la culture qui a reçu moins d’aides dans ces dernières années ;

Les aides sur lesquels peuvent actuellement compter les arboriculteurs sont :

  • contribution pour les traitements et pour le transport des fruits à la Coopérative.
  • location à prix politique des immeubles et des meubles des magasins pour la commercialisation des fruits :
  • assistance technique (assez limitée) ;
  • d’ici quelques ans, achat de plantes produites par la pépinière régionale à prix politique.


Quoique les aides soient limitées et inférieures aux autres activités agricoles, dans ces dernières 4 années ont été plantés plus de 20.000 pommiers. Nos paysans ont démontré d’avoir les idées plus claires des politiciens et insouciants des vétos contradictoires de Bruxelles ce printemps planteront plus de 11.000 pommiers. Il faut bien préciser que d’autres Régions Autonomes, moins zélées dans l’application des directives européennes, mais sans doute plus soucieuses des problèmes locaux, n’ont jamais cessé d’aider directement et indirectement l’arboriculture.
Voilà les principales mesures, à ajouter à celles déjà existantes, que nous envisageons pour favoriser l’arboriculture :

  • renforcement du Service d’Assistance Technique avec l’engagement de nouveaux experts en arboriculture pour diffuser et assister l’arboriculture dans toutes les zones où elle est rentable.
  • contribution pour la plantation des jardins fruitiers rationnels. Cet aide est à nouveau possible après le Règlement CEE n. 1153/78 du Conseil du 30 mai 1978 ;
  • allocutions de contributions spéciales pour l’assainissement des viroses ;
  • dédommagement des attaques du gibier. Presque toutes les Régions prévoient l’indemnisation des dommages causées par le gibier aux cultures agricoles.



AMENAGEMENT DU TERRITOITE AGRICOLE

  • Etude sur la zonisation des cultures en VDA dans le but de concentrer les aides publiques seulement là où les cultures ont démontré d’être les plus rentables de la zone.
  • Individuation de tout les parcours de la Doire dans le but d’empêcher de nouvelles inondations et d’assainir les marais pour leur mise en culture.
  • Contrôle des prélèvements de gravier le long de la Doire afin d’empêcher le gaspillage de précieuses surfaces planes. Ce manque de contrôle a porté, jusqu’à présent, à la perte de plusieurs dizaines d’hectares de terrain remplacé par les bassins d’eau puante et improductifs ;
  • Etude de plans de remaniement parcellaires et prise en charge de tous les frais. C’est à dire suivrel’exemple du Valais qui a regroupé et amélioré plusieurs milliers d’hectares.


Commercialisation des produits.

  • Donner plein appui à l’initiative de créer une alliance entre les sociétés pour une meilleure commercialisation des produits agricoles (lait, fromage, beurre, vins, fruits, petits fruits, miel, etc.) et des produits de l’artisanat local. Cette initiative doit être encouragée avec la prise en charge de l’Administration Régionale de l’ouverture de centres de vente à Aoste, dans la basse et dans la haute vallée.
  • Etudier la possibilité de créer une marque unique pour tous les produits typiques de la Vallée.



AGROTOURISME
L’Agrotourisme se distingue surtout en tant qu’action de récupération culturelle soit parce qu’il remplace l’agriculteur et son milieu dans un circuit plus vaste de connaissances et d’intérêts, soit parce qu’il permet aux touristes une meilleure approche de la réalité humaine et du milieu, différente de celle que leur fournissaient les filières publicitaires et promotionnelles habituelles. Dans beaucoup de régions de l’arc alpin cette forme de tourisme a permis la récupération de nombreuses habitations et a offert au tourisme une manière différente et particulière de passer ses vacances augmentant du même coup le revenu de l’agriculteur. En vallée d’Aoste il y a des milliers de bâtisses qui peuvent être reconverties sans dégrader le paysage et le milieu pouvant répondre aux nouveaux besoins du tourisme.

Les conditions : 1) Les moyens de l’urbanisme ne doivent plus favoriser l’expansion en fonction de l’accroissement du nombre de résidents, mais plutôt favoriser la reconversion des maisons devenues libres, quelque soit l’endroit ; 2) Les habitations reconverties doivent se composer de plusieurs chambres sans cuisine, l’agriculteur pourvoira au petit déjeuner ; 3) Cette conversion devra être encouragée par une politique d’emprunts à long terme; 4) Les sentiers éloignés des voies carrossables devront être entretenus.


PROGRAMME FORESTIER
La Région Autonome de la Vallée d’Aoste, région riche en initiatives dans divers secteurs, à manqué jusqu’à présent d’un sérieux plan d’intervention pour l’expansion et l’amélioration du patrimoine forestier et, partant, pour l’exploitation des ressources des bois. Cette situation dérive en partie d’une sous-estimation trop répandue du thème forestier, et en partie d’une carence, au niveau politique, de cohérence et de clarté des objectifs lorsqu’il s’agit d’affronter le problème ; celui-ci doit être analysé selon l’optique de la défense du territoire avec ses implications d’ordre social et économique.

Avant d’aborder le thème de la réorganisation forestière, il est toutefois nécessaire de souligner l’importance des éléments naturels (relief et climat) et de leurs conséquences en vue de toute intervention sur le milieu. En effet, la Vallée d’Aoste a une altitude moyenne considérable dont les conséquences sont encore plus accentuées si on les met en corrélation avec la petite superficie ; les limites d’altitude des ressources végétales utilisées par l’homme se classent parmi les plus élevées d’Europe. La partie de territoire au-dessus des 2.600 mètres d’altitude, malgré ses caractéristiques d’intérêt économique remarquable pour la pratique du ski, du point de vue productif, stérile. Cette portion de territoire, qui œuvre 32% de la superficie régionale ne se prête à aucune culture.

La seconde zone, qui recouvre 52% de la superficie régionale est destinée à la culture forestière et aux pâturages. Il s’agit par conséquent d’une zone à production extensive qui, bien souvent, permet à l’homme de n’y habiter que temporairement. Elle revêt une importance fondamentale en le sens qu’elle sert de zone limite et de frein au déséquilibre hydrogéologique qui se manifeste au maximum dans la partie précédente. De plus c’est ici que la population rurale trouve le pivot de son activité qui est représentée par les alpages, les mayens et les bois.
La troisième zone, celle du fond de la Vallée, qui occupe 16% du territoire régional est la zone où l’on pratique les activités économiques intensives, de l’industrie à l’agriculture et aux activités tertiaires ; c’est là que demeure normalement la population.

Si nous considérons la S.A.U. (Superficie Agricole Utilisable) les pourcentages que nous avons mentionnés ci-dessus varient considérablement : en englobant dans un seul et même groupe alpages (pâturages), prairies naturelles, champs, on atteint 37% de la S.A .U. tandis que les forêts avec leurs 75.000 hectares couvrent à elles seules 43% de la S.A.U. ; si l’on ajoute à celles-ci les terrains incultes productifs on touche le profond de 63% de celle-ci.

Cette situation démontre par conséquent que :
1)La culture forestière a une incidence territoriale de prime importance ;
2)On ne peut pas planifier de grandes opérations de reboisement comme le demandent certaines personnes peu compétentes, sans pour cela occuper les terrains encore utilisés ou inutilisables pour les cultures agricoles.

Le facteur altitude, le morcellement de la propriété, l’exigüité de la superficie agricole disponible empêchent de faire du reboisement la plus importante des activités dans le cadre de la planification forestière.
On compte qu’il sera très difficile de transformer en nouveau bois plus de 3.000 hectares de terrain. Ce qui incite à faire de l’amélioration et de la réorganisation des bois existants l’objectif prioritaire de la politique forestière.
La première action à entreprendre doit donc être la planification d’interventions de reconstitution et d’amendement du bois à l’aide de plans d’aménagement qui devraient s’étendre à toutes la superficie boisée régionale, voire même, si possible, à la superficie de la propriété privée. Cette planification doit tendre essentiellement à contenir dans les limites de la capacité productive des bois la densité des coupes de bois et partant, augmenter la densité des surfaces forestières pour les ramener à de justes proportions, du point de vue fonctionnel et écologique. Grâce aux plans de réorganisation décennal et à la mise en marche du processus de reconstitution l’évolution des forêts pourra être plus rapide et plus féconde.

La politique forestière de la Région doit en conséquence être orientée vers des finalités économiques, tout en restant ancrée à de solides bases économiques qui, grâce à une action constante et incisive, fruit également de la technique forestière, se synthétisent dans la réalisation des niveaux de production souhaités.
Les cycles végétatifs très longs, un intérêt économique estimé d’importance secondaire de nos bois, le manque de traditions forestières contribuent à placer l’administration forestière face à la tâche sérieuse de redresser la situation des forêts en proie à la dégradation souvent aggravée par l’installation d’activités telles que le ski, les constructions etc. Pourtant si l’on considère les chiffres relatifs aux utilisations des bois, on peut constater que l’estimation économique du bois utilisé chaque année atteint un demi-milliard de lires, chiffre non indifférent sans compter les effets sur le plan de l’emploi. Il faut répéter qu’une politique forestière orientée dans cette direction pourrait, dans la période moyenne et longue, augmenter qualitativement et quantitativement le bois de nos forêts et partant, accroissez les recettes de nos communes, des consortiums et des privés. Enfin, nous ne devons pas oublier que les forêts rendent mille services qui en fait sont économiques mais difficilement monnayables, tels par exemple la fonction de protection des agglomérations urbaines, la modération du régime des eaux, de défense contre l’érosion et les avalanches et enfin une fonction esthétique, récréative et touristique ; ce dernier aspect en outre présente des effets d’une valeur sociale indiscutable.
En conclusion, la forêt exerce une fonction de production, de protection ou une fonction d’agrément, mais il s’agit encore de lui assurer une bonne constitution, la prospérité et la pérennité. Par conséquent la politique forestière devra être orientée vers les objectifs suivants ;

  1. L’amélioration des bois existant par la réalisation des techniques de sylviculture appropriés et la construction d’infrastructures valables (pistes forestières, parcs, ouvrages de protection et autres).
  2. Le reboisement des terres définitivement impropres à l’agriculture.
  3. L’emploi dans ce secteur de main d’œuvre locales sans favoriser l’abandon de l’agriculture mais au contraire constituer pour celle-ci un complément et un support socio-économique propre à garantir constamment à l’agriculture la possibilité d’avoir un revenu complémentaire et partant un train de vie meilleur et plus moderne.
  4. Adapter les structures techniques du secteur aux exigences des interventions et des programmes désormais impératifs pour la réalisation d’une politique forestière saine dans le cadre des investissements territoriaux.


TOURISME ET SPORT

Dans la perspective des années 80, les caractéristiques du mécanisme de l’essor de la société contribueront à accentuer progressivement l’importance du tourisme, comme secteur fondamental de notre économie.
Face aux principaux changements qui se sont produits dans la demande touristique (tourisme de masse, déplacements rapides, séjours brefs), l’offre est demeurée essentiellement liée aux formes traditionnelles d’un tourisme saisonnier et de longue durée. D’où une concentration excessive des présences touristiques dans des périodes limitées de l’année et une utilisation insuffisante du patrimoine hôtelier, favorisées par le manque d’une intelligence politique d’échelonnement des vacances.

L’expansion quantitative des équipements a été importante, mais déséquilibrée dans sa diffusion territoriale et sectorielle. De plus, le phénomène de la résidence secondaire a dangereusement compromis les possibilités d’essor du secteur, en obtenant deux effets sociaux négatifs : la vente du terrain à des spéculateurs et le coût de services sociaux à la charge de la communauté locale.
Dans ces conditions, si d’une part les attraits touristiques (montagne, paysage, histoire et culture) sont en mesure d’assurer une bonne continuité dans l’afflux des courants touristiques européens, d’autre part certains éléments liés à l’urbanisme, aux transports, aux infrastructures, à des choix erronés de politique touristique risquent de freiner les grandes possibilités de développement de ce secteur économique.

De cet exposé général, on peut tirer les options fondamentales d’une politique touristique intelligente à adopter pour les années à venir :
-Requalification et diversification de l’offre touristique afin qu’elle réponde aux exigences du tourisme moderne ;
-Sauvegarde de l’intérêt touristique et communautaire dans toutes les actions qui altèrent ou conditionnent le milieu et l’aménagement du territoire.

A cet effet, il faut encourager la modernisation et le développement des structures d’accueil, en favorisant par des mesures financières les petits et moyens établissements hôteliers à gestion familiale ou locale, et en freinant le développement du secteur des résidences secondaires.
D’autre part, il est indispensable de stimuler l’essor de l’agritourisme et de la politique des biens culturels pour faire face à une demande touristique plus motivée.
Il est également nécessaire d’intensifier la préparation professionnelle des gens du secteur, à tous les niveaux, des écoles hôtelières aux instituts professionnels, à l’Université. Enfin, la protection du milieu sous tous ses aspects, est la condition « sine qua non » du développement économique de ce secteur.


NOTRE TOURISME
Aux cours de ces dix dernières années, l’évolution du secteur présente ces caractéristiques :

  1. L’augmentation constante des présences ;
  2. Le succès de la parahôtellerie s’amplifie tandis que le tourisme social (colonies, maison de vacances) demeure stagnant ;
  3. La prédominance du tourisme estival s’atténue au profit du tourisme hivernal, qui attire de plus en plus un courant européen ;
  4. La suprématie de la clientèle italienne s’accentue en été (9 à 1) et diminue en hiver (1 à1) ;
  5. Le Val d’Aoste est devenu le poumon du triangle industriel ; plus de 60% des résidences secondaires appartiennent à des piémontais ou à des lombards ;
  6. Le tourisme a un effet moteur sur la plupart des activités tertiaires et sur l’économie régionale.

On ne parle pas, dans ces caractéristiques, de tourisme rural, tourisme vert, agritourisme : il s’agit d’une découverte très récente, mais qui aura, dans les années à venir, un grand essor. En effet, ce type de tourisme, accordé à la campagne, compatible avec l’existence du montagnard et susceptible de lui assurer un complément de ressources sans la dénaturer, représente le filon à exploiter pour le futur.

La moyenne montagne, impropre à l’industrie comme un grand tourisme et trop abandonnée à elle-même, ne peut vivre que par une étroite symbiose entre agriculture spécialisée et tourisme. Cette politique est aussi fondamentale pour quelques vallées de haute montagne (Comba Freide) et certaines communes de la grande vallée (La Salle, Nus, Chambave, Donnas, etc.). Elle serait très bénéfique pour le paysan : vente directe du lait et des produits laitiers ou de basse-cour, fruits et légumes (en utilisant aussi les serres) ; location de logements et restauration des vieilles maisons ; développement de l’artisanat pastoral et de la construction. La modernisation de l’agriculture est fondamentale pour faciliter la valorisation de ce tourisme rural en mettant en place des structures d’accueil (adduction d’eau, sanitaires) et de loisirs (sentiers pédestres, piste de fond, zones de pêches, petits centres culturels). Les anciennes demeures rurales, si nombreuses en Vallée d’Aoste, restaurées avec l’intervention publique, pourraient constituer une sorte de parc régional dont la mission est de préserver villages et activités traditionnelles, en favorisant la rencontre entre citadins et ruraux, dans une optique sociale et culturelle.

De nombreuses initiatives doivent encore être réalisées chez nous dans ce secteur : auberges rurales, camping-caravaning à la ferme, villages de vacances modernes avec tous les services, établissements climatiques, maisons de cure et de repos, lycées s’altitude, classe de neige et classes vertes. Toutes ces initiatives, coordonnées et financées en partie par l’Administration régionale, permettraient de créer des postes de travail, permanents ou saisonniers, étroitement liés et conditionnés à la réalité locale.
En même temps, on ne doit ni multiplier les stations intégrées (Pila) ni bloquer totalement l’essor des sports d’hiver qui sont nécessaires à la renommée internationale et à l’économie de la Région. D’ailleurs, freiner le développement hivernal entraînerait la saturation des équipements existants et l’on aboutirait très vite à une ségrégation de la clientèle par l’argent encore pire qu’aujourd’hui. En revanche, nous devons déterminer et surveiller le développement des stations de grand tourisme par une gestion « politique » du plan régulateur d’urbanisme, le contrôle du marché foncier, la participation financière complète ou majoritaire de l’Administration régionale, des collectivités locales ou des particuliers de l’endroit à des réalisations limitées (hébergement ou remontées mécaniques). On doit encore favoriser le ski de fond, qui s’adresse à une clientèle toujours plus nombreuse, ne demande pas de grands investissements et ne porte aucun préjudice au paysage et aux sols.


LA POLITIQUE DES BIENS CULTURELS
Dans le cadre de la stratégie touristique esquissée plus haut, la politique des biens culturels est un élément extrêmement important. La logique de la société de consommation à appliqué aux dépenses destinées à la défense de cette richesse culturelle l’adjectif « inutiles », peut-être parce que dans sa manie de donner un « prix » à chaque chose, elle ne parvient pas à comprendre que la valeur vénale d’une œuvre d’art s’annule dès l’instant où elle devient un objet de consommation.
Dans la réalité sociale valdôtaine, par contre, les biens culturels représentent, dans une nouvelle politique touristique, un élément d’une grande portée économique pour une société dont l’objectif de croissance qualitative est l’homme. Dans cet esprit, toute action visant à faciliter la connaissance de l’immense patrimoine dont nous disposons dans le secteur (la langue, les villages, les objets d’art sacré, les vestiges archéologiques), d’un côté par des structures fixés (musées) ouvertes à la population locale et aux touristes, et de l’autre par des initiatives législatives de sauvegarde ou d’études et recherches, ne pourra obtenir que des résultats positifs tant du point de vue économique que du point de vue culturel.

En effet, les études et les enquêtes de la Surintendance des Beaux Arts ont révélé que notre patrimoine de biens culturels comporte plus d’un millier d’édifices religieux (églises et chapelles) ; quelques centaines de châteaux, tours, maisons-fortes et maisons d’un intérêt historique et traditionnel considérable ; un millier de villages des témoignages remarquables de la période romaine et des civilisations préromaines ; des centaines de milliers d’objets d’art (peinture, sculptures, objets d’art sacré ou d’usage commun). Tout ceci représente un attrait d’une importance énorme pour le nouveau tourisme, alliant à la fois l’intérêt culturel et l’intérêt économique.

L’image de la Vallée d’Aoste que nous voulons offrir est donc celle d’un monde complet où la nature et l’histoire vivent en symbiose, où l’une ne peut être séparée de l’autre. C’est là l’un des « points de force » de notre avenir dans ce domaine, car il permet de retrouver cette dimension humaine dont nous sommes de plus en plus à la recherche pour nous soulager et nous libérer de la mécanisation croissante de nos instincts, fruit de la civilisation technique moderne. La Vallée d’Aoste se révèle, dans ce sens également, comme une entité autonome aux caractères particuliers, introuvables ailleurs, et surtout introuvables des les modernes « stations intégrées », véritables supermarchés d’un tourisme déshumanisé.


LE VOIES DE COMMUNICATION

Le Val d’Aoste, de par sa position, se trouve être, encore une fois, une plaque tournante de la circulation routière transitant du Nord au Sud de l’Europe ou inversement. Après l’ouverture des deux tunnels du Grand-Saint-Bernard et du Mont-Blanc, trois caractères dont l’originalité de notre circulation :

  1. C’est la première vallée alpine qui ait subi un accroissement brutal de la circulation touristique et l’apparition du trafic commercial ;
  2. L’ouverture des deux tunnels a fait du Val d’Aoste un point de convergence de deux grands itinéraires transalpins ;
  3. Nous sommes une des vallées alpines les mieux placées en ce qui concerne les liaisons avec les axes autoroutiers européens.

En perspective, soit pour l’ouverture d’autres tunnels, soit pour un attrait grandissant du flux touristique vers les pays des Balkans, la Turquie et le Moyen-Orient, on assistera à un déplacement des centres de gravité touristiques et commerciaux, ce qui comportera un recul sensible des passages. En même temps, dans un avenir prévisible, la plus grande partie des touristes qui traverseront le Val d’Aoste seront de langue française (français, allemands, wallons), ce qui devra inévitablement orienter nos choix dans la gestion de la politique touristique.

Le trafic commercial a largement exploité les deux tunnels, et surtout celui du Mont-Blanc, et il est actuellement de deux types : il y a celui qui emprunte les tunnels et continuera de les emprunter, car il se trouve sur le meilleur itinéraire, et il y a celui qui les emprunte, car des passages plus directs ne sont pas encore aménagés. Si la situation actuelle se prolongeait trop longtemps, nous serions bientôt saturés, sauf au prix d’énormes infrastructures (l’autoroute Aoste-Tunnel coûte, à l’heure actuelle, au moins 100 milliards de lires). Nous devons donc laisser, par le jeu naturel, ce trafic s’écouler par les autres passages en construction et éviter de construire des infrastructures qui seraient nuisibles à la communauté et inutiles, étant donné les perspectives à court moyen terme du développement de notre économie. Dans ce sens, et en tenant compte que l’autoroute, idéale pour les TIR, est au contraire une incitation à la fuite pour le tourisme, il faut reprendre en considération le problème concernant la voie ferrée au Val d’Aoste.
La voie unique, le fait d’être un cul de sac, la politique générale de l’Etat italien, centrée sur les autoroutes, ont transformé la ligne Chivasso-Pré-Saint-Didier en une sorte de calvaire qui est le plus rapidement possible abandonné par tous ceux qui doivent l’utiliser. C’est ainsi que du point de vue touristique la voie ferrée est en quelque sorte nulle, car le temps du parcours de Turin ou Milan vers Aoste est pratiquement le double ou le triple de celui de l’automobile.

L’accroissement de la circulation touristique en été, les entraves de la route en hiver peuvent inciter de nombreux voyageurs à utiliser le train si celui-ci, toutefois, répond aux exigences par des services rapides, aux horaires pratiques. Cela entraînerait la nécessité d’envisager le transport depuis les gares du Val d’Aoste jusqu’aux pistes de ski. Les techniques modernes ne fonts pas défaut et on peut imaginer plusieurs solutions. Reste le problème de la circulation Aoste-Courmayeur pour laquelle une des meilleures solutions possibles, à la fois économique et écologique, est la prolongation de la voie ferrée existante par un tunnel sous le Mont-Blanc, surtout dans la perspective de la zone Franche pour la Vallée d’Aoste.
La question est de nature européenne et c’est à ce niveau qu’il faudra la discuter, en tenant compte des grands choix sur la circulation qui devront être pris.

LE SPORT
Le sport, pratiqué au niveau de la base, joue un rôle éminemment culturel et social dans la vie individuelle et collective. En particulier, dans ce moment de crise des structures traditionnelles de la société stato-nationale, le sport peut contribuer d’une façon efficace à l’amélioration de la conscience et de la participation sociale, à la prévention des maladies et au maintien de la santé, à la protection du milieu naturel et à une organisation plus rationnelle de la vie collective sur le territoire.
Les dépenses destinées au sport (conçu comme participation) doivent donc être considérées comme un investissement social, car elles contribuent à élever la qualité de la vie, parce qu’elles sont susceptibles, d’une part d’orienter l’utilisation des ressources vers des services et des « consommations » sociales, et d’autre part d’accroître l’emploi des jeunes et de corriger les déséquilibres montagne-ville. La pratique du sport revêt trois formes essentielles : la première implique l’activité corporelle et formative ; la seconde est axée essentiellement sur les jeux et ses finalités sont de nature culturelle et sociale ; la troisième, enfin, concerne le sport de compétition avec finalités professionnelles et commerciales.
Il est évident, à notre avis, que l’effort de l’organisme public doit être destiné à développer la première forme de sport et, successivement, la seconde, afin de construire des structures permettant à toute la communauté d’obtenir et de conserver une meilleure maturité psycho-physique et un degré plus élevé de participation sociale. Une bonne politique du sport doit prévoir des mesures adéquates au niveau de l’école qui a pour mission de donner une éducation psychomotrice et sportive aux élèves en âge d’évolution sur le plan culturel et pratique ; au niveau des organismes de promotion sportive dont la tâche est d’encourager et d’organiser les activités sportives de masse, accessibles à tous, également comme loisirs ; au niveau des fédérations et sociétés sportives dont le rôle est d’organiser les activités sportives à échelon de compétition. Dans cet esprit, les mesures fondamentales dans ce secteur devront être :
1.La réalisation des services collectifs pour le sport avec la participation financière de la Région, de l’Etat et des communes ;
2.Détermination des priorités dans l’action publique en faveur du sport à caractère populaire non sélectif, en favorisant les zones les plus déshéritées (Basse Vallée et moyenne montagne).
Tout ceci ne pourra être réalisé que si le sport devient véritablement populaire, dans ce sens qu’il doit être conçu, inventé, planifié à la mesure de notre communauté et géré directement par ceux qui le pratiquent. D’autre part, il faut éviter le professionnalisme dans le sport, qui en détruit les principes de base. Si nous avons des champions très bien, si nous n’en avons pas, ce n’est pas un drame, à condition que nous puissions mettre sur l’autre plateau de la balance la participation collective de la communauté aux sports favoris. Telle est la « philosophie gestionnaire » selon laquelle doivent être opérés les choix dans ce secteur, sans pour autant oublier l’étroite parenté entre le tourisme et les infrastructures sportives.


LES MESURES POUR UNE NOUVELLE POLITIQUE TOURISTIQUE

  1. Hôtellerie. Favoriser, avec de mesures financières publiques à long terme, la construction et la restructuration des petits et moyens hôtels à gestion familiale ; promouvoir une politique publique de formation professionnelle pour offrir un service de haute qualité ; solliciter la constitution de coopératives d’achat, afin de diminuer les coûts de gestion des structures.
  2. Campings. Etudier un plan de campings et de caravanings insérés parfaitement dans le territoire, et complémentaire aux structures hôtelières dont il est question au premier point.
  3. Refuges alpins et sentiers. Intervenir plus concrètement dans ce secteur en modifiant la loi 1961, et en destinant des fonds plus importants à la restructuration ou à la construction des refuges. Etudier une loi qui coordonne le secteur des sentiers, patrimoine fondamental pour le développement du tourisme pédestre, en donnant la gestion aux syndicats d’initiative et aux Pro-Loco.
  4. Agritourisme. Intervenir pour transformer ce type particulier de tourisme en un aspect essentiel du développement économique du secteur par le moyen d’une analyse détaillée des possibilités théoriques et avec l’étude d’un programme de mesures qui tiennent compte de l’initiative privée dans le cadre de l’intérêt public.
  5. Infrastructures sportives. La Vallée d’Aoste est encore largement dépourvue dans ce secteur très important du point de vue publicitaire, mais aussi pour les habitants. Dans ce sens on doit établir rapidement un plan global des nécessités en privilégiant les structures polyvalentes (piscines, salle de gymnastique, terrains de sport, pistes de ski) et en utilisant les différentes formes de crédit (« Credito Sportivo » ; art. 12 du Statut ; Budget régional ; CONI) disponibles.
  6. Thermes et climatisme. Thermes et eaux minérales sont les grandes inconnues du tourisme valdôtain. Il faut avant tout mettre en place, surtout en ce qui concerne les eaux minérales, le secteur et, ensuite, insérer massivement cette question dans notre campagne publicitaire. En même temps, on doit envisager des mesures concrètes pour la création de classes de neige et de classe vertes, dont les communes à moyenne altitude pourraient tirer profit.
  7. Transport par câbles et pistes de ski. Coordonner les interventions dans ces secteurs en donnant la priorité aux initiatives des communautés locales et des zones encore sous-développées et en faisant œuvre de programmation des choix à faire.
  8. Les biens culturels. Le domaine d’action est immense, et pratiquement aujourd’hui le secteur est presque ignoré. Epoque néolithique, période romaine, Moyen Age, art sacré, art de vie pastorale, walser représentent autant de possibilité de création de structures culturelles ouvertes, avec des quantités considérables de matériel d’un grand intérêt, à la fois culturel et touristique. Ces centres devraient être dispersés sur le territoire et non pas concentrés à Aoste. En même temps, il faut réaliser le catalogue des œuvres d’art existant en Vallée et procéder à une révision de la politique à suivre dans le secteur des feuilles archéologique, afin de parvenir rapidement à des résultats sans faire trainer indéfiniment les travaux.
  9. Aéroport. Il faut décider le rôle de cette structure dans l’économie touristique valdôtaine, car la situation actuelle, à mi-chemin entre tout et rien, ne répond pas aux exigences de notre communauté. La perspective est celle d’insérer l’aéroport dans la politique des transports en ouvrant ses pistes aux avions touristiques qui, en liaison avec les hélicoptères et les cars alpins, pourraient réaliser un moyen efficace et rapide pour arriver des villes à Aoste, et d’Aoste aux pistes de ski.
  10. Casino. Le casino représente un pilier essentiel du budget régional et le développement de ses initiatives, sous le contrôle de l’administration publique, doit être encouragé. La gestion de la société doit demeurer privée.
  11. Route. Il faut rapidement résoudre le problème de la liaison Aoste-Mont-Blanc. La solution idéale demeure le chemin de fer, en deuxième ordre la « camionabile » à paiement et sans sortie. En même temps, il faut construire rapidement l’autoroute de ceinture d’Aoste pour éviter l’étranglement de la ville, qui devient de plus en plus grave, en été surtout.
  12. Gestion de l’Assessorat au Tourisme. Il parait inévitable, en considération du rôle prioritaire du tourisme d’attribuer à d’autres organismes la gestion de la Surintendance aux Beaux-arts et centrer l’activité de l’Assessorat sur les problèmes envisagés dans ce rapport. Il faut également décentraliser les syndicats d’initiative en laissant à l’Assessorat la gestion générale des choix de politique touristique. L’action publicitaire, axée aujourd’hui sur les insertions payantes, doit modifier ses instruments et diversifier ses interventions sur la base de la politique de la double saison. Participation aux expositions avec des stands, initiatives promotionnelles avec l’utilisation de groupes folklorique et de chorales, messages publicitaires aux télévisions et aux radios locales doivent devenir les piliers de cette nouvelle action publicitaire.


ARTISANAT ET INDUSTRIE
L’industrie constitue l’activité économique fondamentale du Val d’Aoste. Elle absorbe – recensement de 1971 – 44,6% de la population active ; elle emploie 15.937 personnes ; elle fournit 45% du revenu national.
Les industries de transformation représentent la partie la plus importante de l’activité industrielle. Les 940 unités – 53,8% du total – occupent 10.553 personnes – 66,1% du total. Les deux tiers de la main d’œuvre se trouvent néanmoins dans la métallurgie, qui à elle seule représente 65% du revenu brut de toutes les industries de transformation, distribue 40% des salaires industriels et fait travailler presque un cinquième de la population active du Val d’Aoste. De plus 44,3% de la main-d’œuvre industrielle est concentrée dans trois entreprises employant plus de 500 personnes : la Cogne (Sider et Mine), l’Illsa Viola et la Montefibre. Cela ne constitue que 0.4% du nombre total des entreprises. Par contre 87,8% des entreprises emploient moins de 10 personnes et occupent 23,6% de la main-d’œuvre industrielle.

La répartition par type d’industrie révèle le même contraste. Dans l’industrie extractive 56% de la main-d’œuvre est reparti entre 57 entreprises mais 44% figure dans une seule. Pour l’industrie de transformation 93% des usines emploient moins de 10 personnes et occupent 17,4% de la main-d’œuvre, trois seulement en comptent plus de 500, mais elles occupent 68% de la main-d’œuvre et, parmi elles, le Sider se détache avec plus de 4000 ouvriers, assurant ainsi du travail à la moitié du personnel employé dans la industrie de transformation.
Les secteurs de la construction et de la production hydroélectrique – 42% des unités industrielles – présentent par contre une structure plus diversifiée, une seule unité dépassant les 100 personnes, mais ils n’occupent que 30,4% de la main d’œuvre industrielle.

Le secteur industriel joue donc un rôle important dans les ressources nationales, mais il présente un degré élevé de concentration, il est peu diversifié, il dépend de la sidérurgie et de la Cogne en particulier.
Ces dernières années on assiste à un processus de déconcentration, de diversification de l’industrie avec une augmentation du nombre des établissements, mais avec une stagnation de la main-d’œuvre et de l’emploi. Ce phénomène dépend de la récession économique et de la crise d’une activité (la sidérurgie), d’une entreprise (la Cogne), née dans des circonstances particulières, mais que la conjoncture actuelle, la position géographique et les conditions techniques d’existence ont rendue très vulnérable. L’industrie, à cause des dépendances de la sidérurgie et de la Cogne (mono-activité) ressent profondément leur déclin et la récession, la déconcentration qui en découle procède de la crise de la Cogne et de toutes les autres grandes entreprises. Si d’un côté les usines surgies entre temps sous l’impulsion du Gouvernement Valdôtain ont augmenté le nombre des établissements de catégorie moyenne et contribué ainsi au processus de déconcentration, elles n’on comblé – par ailleurs – que partiellement, par les emplois crées, le vide causé par la situation de la Cogne, quand elles n’ont pas constitué aussi un élément de crise à cause de leurs défaillances.
La structure industrielle est donc dominée par la sidérurgie et par une entreprise dont les dimensions ne sont pas à l’échelle du Val d’Aoste. Elle représente le résultat d’un type de développement industriel imposé et voulu par l’extérieur, dominé par les nécessités économiques de l’Italie, qui a modifié les activités économiques nationales et dont l’analyse peut nous permettre d’en éclaircir les caractéristiques, afin d’envisager les mesures nécessaires de redressement et de modification du processus même d’expansion.

En effet le développement industriel – développement favorisé par le potentiel hydroélectrique – remonte à la période entre les deux guerres mondiales, lorsque la facilité des communications (voie ferrée), la présence de matières premières (fer, anthracite), la possibilité d’utiliser sur place l’hydroélectricité, la politique autarcique du fascisme, la volonté de italianiser le Val d’Aoste font apparaître convenable l’implantation d’un complexe sidérurgique au milieu des Alpes ou la création d’usines le long de l’axe ferroviaire Pont-Saint-Martin – Aoste. Si au début l’équipement du bassin de la Doire est dû en grande partie aux initiatives des industriels – période de l’essor industriel -, dans une seconde phases, qui se poursuit de nos jours, il est effectué presque uniquement par des sociétés distributrices, qui exportent le courant, et l’industrialisation du Val d’Aoste marque le pas. Les facteurs économiques se sont aussi modifiés. L’avantage que représenta longtemps la création d’industrie à proximité des centres hydroélectriques n’est plus aussi grand. Le transport de l’énergie à longue distance n’étant plus un handicap, il est plus avantageux d’installer les industries à proximité des centres de consommation et l’on exporte le courant. Le Val d’Aoste apparaît désormais défavorisé par son éloignement des grands centres consommateurs de ses productions métallurgiques ou chimiques et partant un plan de reconversion productive s’imposait. Au contraire, les centres de décisions se trouvant à Turin où à Milan, aucune initiative n’a été prise dans ce sens. Après la période de la colonisation, suit celle de la spoliation des ressources nationales – la création de l’ENEL avec la nationalisation-vol des eaux est le couronnement de cette situation – du réinvestissement à l’extérieur des bénéfices obtenus, de l’abandon des « grandes sociétés », englobées dans des puissant groupes italiens.

A partir des années 60 des efforts ont été entrepris par le Gouvernement Valdôtain pour relancer le processus d’industrialisation. A la différence de ce qui s’était passé auparavant, où l’industrialisation n’était due qu’à l’initiative des hommes d’affaires de l’Italie du Nord ou au dirigisme de l’Etat italien, ce sont les Valdôtains eux-mêmes qui se préoccupent de la destinée industrielle de leur Pays. Les résultats demeurent modestes mais c’est encore pour une grande partie le potentiel hydroélectrique qui permet de les atteindre.

Les caractéristiques du développement industriel – dont les effets se reflètent sur la situation socio-économique actuelle et en conditionnent les différents projets de redressement – nous amènent à formuler les considérations suivantes :

  • les initiatives, les décisions économiques et les capitaux sont venus de l’extérieur. L’insuffisance des capitaux et des initiatives nationaux ont mis le Val d’Aoste dans une position de sujétion économique. Les grandes sociétés ont leurs sièges ailleurs, elles font partie de groupes stato-nationaux et même les entreprises moyennes appartiennent à des industriels de l’Italie du Nord ou ne sont que des filiales de groupes italiens, ce qui implique une dissociation entre le moment décisionnel et le moment opérationnel. Le Registre des Sociétés révèle que seules les modestes sociétés ont leur siège sur place, tandis que les secteurs clefs de l’économie échappent en grande partie aux Valdôtains. Le montant des dépôts bancaires et postaux est élevé, mais cette épargne n’est pas investie, faute d’initiatives de la part des épargnants et des entrepreneurs nationaux. L’intervention publique demeure modeste.
  • L’industrialisation a été fondée dans une large mesure sur une seule activité – la sidérurgie – entraînant ainsi tous les risques de la mono-activité et déterminant une forte concentration.
  • Le potentiel hydroélectrique qui a joué et joue un rôle fondamental dans le processus d’industrialisation, est passé sous la régie de l’Etat italien et il est presque entièrement exporté.
  • L’absence de toute planification n’a pas permis d’entreprendre une action de développement unie à une action de sauvegarde de la coexistence des activités économiques du Val d’Aoste, évitant ainsi les conséquences de la mono-activité. Un pays de montagne ne peut pas baser son économie sur un seul secteur, mais il doit essayer de développer toutes ses ressources en l’équilibrant entre elles. Le tourisme est en effet sensible aux crises politiques ou monétaires et à la concurrence internationale. L’agriculture seule peut garantir la protection des sols, du paysage, de l’habitat traditionnel, le maintien d’une population à haute altitude, la sauvegarde du particularisme. L’industrie constitue depuis longtemps une activité dans nombreux cas complémentaires de l’agriculture, pour qui elle reste indispensable puisque le tourisme et en particulier le tourisme hivernal, ne peur s’implanter partout.
  • Or le type de développement industriel actuel s’il a d’un côté régénéré un pays agricole en pleine stagnation, affaibli par l’émigration, il à d’autre part établi un clivage entre les différentes secteurs économiques et ente les différentes zones du pays, accentuant la crise de la vie rurale, de l’agriculture, le dépeuplement de la montagne et il a provoqué une forte immigration. L’agriculture et l’industrie touchées par l’exode rural et par la récession économique voient aujourd’hui leur rôle s’amoindrir au profit des activités tertiaires, au moment même où l’accroissement de la population rend très délicat le problème de l’emploi.
  • Il apparait donc urgent d’envisager des lignes d’interventions axées sur deux objectifs :
  • Le redressement de la situation industrielle actuelle et de la Cogne en particulier ;
  • Le développement futur du secteur industriel et la définition d’une nouvelle politique industrielle.

En effet si le manque de matières premières, l’exigüité du marché valdôtain, la rareté des initiatives et des capitaux, l’éloignement des grands centres urbains constituent autant de facteurs négatifs, l’abondance d’eaux de bonnes voies de communication (proximité du réseau d’autoroutes, tunnels routiers), la position géographique favorable à l’intérieur de la CEE et l’accès rapide au marchés suisses et français laissent entrevoir des solutions de redressement, solutions souples, variées ayant comme finalité la défense des intérêts des Valdôtains, la protection des sites et des valeurs traditionnelles.


REDRESSEMENT DE LA SITUATION ACTUELLE ET DE LA COGNE EN PARTICULIER

Dans cette période de récession, et de restructuration économique, il s’avère indispensable de garantir l’emploi du secteur en exploitant des techniques nouvelles de production et de gestion et en prévoyant l’implantation d’activités substitutives des entreprises en crise. La situation de la Cogne apparait comme la plus révélatrice. Les circonstances qui ont donné naissance au complexe sidérurgique constituent à présent un obstacle à son expansion. Il y a un demi-siècle, certains avantages (minéral excellent, énergie à bon marché) incitaient l’implantation de l’établissement. Aujourd’hui l’exploitation du gisement, le transport du minéral, l’éloignement des marchés de vente et d’approvisionnement demandent de nouvelles orientations techniques et de production. Il s’avère indispensable d’inverser la philosophie d’une production basée sur la qualité du produit et s’orienter vers des productions de haute qualité, entraînant une reconversion, une diversification et une valorisation de produits sur place. Il faut procéder à la constitution de la branche des aciers spéciaux et, dans le cadre de restructuration de l’établissement, moderniser les structures en qualifiant le personnel et en prétendant l’implantation de la Tecno-Cogne au Val d’Aoste, le transfert ce certaines finitions de Vittuone à Aoste, le maintien des niveaux de l’emploi de la Cogne. Il faut, enfin, transférer la Direction Cogne à Aoste et garantir une place importante au Gouvernement Valdôtain dans le Conseil d’Administration de la Cogne.


PERSPECTITES FUTURES

Dans l’objectif du rééquilibre des ressources, il faut définir un plan de développement économique inséré dans une planification générale, afin de permettre un essor harmonieux des différents secteurs et de garantir la coexistence des différentes activités. Un plan de développement réaliste, dont les objectifs soient à la mesure des potentialités concrètes des Valdôtains des besoins exprimés par la collectivité et le moyens disponibles. Un plan axé sur la recherche de solutions locales, la création de postes de travail adaptés aussi aux aspirations des femmes, qui, avec des conditions de vie améliorées (confort de logement, équipements collectifs, amélioration des transports en commun) puisse atteindre le but de garantir l’emploi, de fixer la population, de bloquer l’exode ou le dépeuplement de la montagne. Les idées clefs de ce plan devraient reposer sur les principes suivants :

  • maintien des postes de travail existants ;
  • priorité aux Valdôtains dans l’occupation des postes de travail relevant de l’économie publique ou privée ;
  • amélioration du niveau de la formation professionnelle ;
  • équipement de base propice à l’implantation de nouveaux emplois par l’établissement de petites entreprises ;
  • politique d’aide financière ;
  • développement de l’artisanat.


Vu la carence des initiatives et des capitaux nationaux, le rôle des Pouvoirs Publics s’avère indispensable pour la réalisation et l’application d’une nouvelle politique industrielle soit par la définition d’une nouvelle politique de formation scolaire et professionnelle adaptée aux exigences et à la demande du secteurs industriel – formation de main-d’œuvre plus qualifiée, faisant large place de la population féminine – soit par une politique d’aide financière, d’aide à l’équipement de petites entreprises – crédits d’investissement et cautionnement -. Cette intervention d’en haut ne signifie nullement que le secteur industriel doit être financier, organisé et généré par les Pouvoirs Publics. Le rôle des Pouvoirs Publics doit se limiter – généralement – à collaborer au plan, à veiller à son exécution, à prendre les mesures que cette exécution nécessite. Il appartient aux Pouvoirs Publics d’aider à mettre en place les infrastructures, de stimuler, de contrôler et coordonner les initiatives de la collectivité, mais une fois les structures mises en place, ils doivent laisser les citoyens gérer, à tous les niveaux et dans tous les domaines, leurs propres affaires. En effet excluant les entreprises purement capitalistes, fondées sur la primauté de l’argent et l’asservissement des travailleurs, ou les entreprises étatisées qui favorisent le gaspillage, l’irresponsabilité, la prolétarisation généralisée et qui, par conséquent se révèlent contraires aux intérêts des travailleurs en tant que producteurs consommateurs ou hommes, la structures des entreprises ne devra pas exercer un effet de domination sur l’économie, mais devra s’orienter vers l’autogestion, pour éliminer la non participation aux options économiques ainsi qu’à l’organisation et la gestion des entreprises. L’autogestion permettra ainsi de réaliser ce fédéralisme intégral, dont les structures politiques ne constituent que la base, et de renverses ainsi la primauté de l’économie sur le social, de la croissance sur le développement, de l’augmentation du niveau de vie sur l’amélioration de la qualité de la vie pour que ce soit l’économie au service de l’home et non pas l’homme qui est asservi à l’économie.

Le développement devra donc être basé sur la création d’établissements de petites tailles, sur l’implantation d’industries propres, non polluantes et n’hypothéquant pas l’avenir touristique. Ateliers de dimensions petites ou moyennes, implantés près des travailleurs, ce qui favoriserait leur diversification et le recrutement de la main-d’œuvre dans un court rayon. Ateliers spécialisés dans des productions typiques, assimilables davantage à l’artisanat ou dans des productions légères, mais hautement élaborées, de qualités et de valeurs aptes à soutenir la concurrence et à supporter les longs transports. On devra favoriser la création d’industrie adaptées aux conditions locales dans les secteurs des produits agro-alimentaires, du bois, de la mécanique et du montage, autorisant l’adaptation des horaires variables, afin de permettre une combinaison d’activités soit avec l’agriculture soit avec le ménage et offrant ainsi des possibilités de travail à la main d’œuvre féminine. Industries ne portant pas préjudice au tourisme, intégrées aux conditions de la montagne, conditions qui imposent souvent une double activité. L’Artisanat devra être valorisé, développé à tous les niveaux pour réaliser la création d’emplois sur place et donner libre cours à l’esprit de création des Valdôtains. Pour résoudre le problème de la carence des capitaux nationaux, il faudra envisager la création d’une Banque, avec participation du Gouvernement Valdôtain, pour que l’épargne et les bénéfices financiers soient investis dans des initiatives nationales.
Le but final reste, après la récupération pleine du pouvoir politique, la récupération du pouvoir économique et de la capacité politique de l’exercer : pour que les décisions qui concernent leur Pays et la gestion des ressources de leur environnement reviennent aux Valdôtains.


SERVICE SOCIAUX
Au mois de mars 1977 l’Union Valdôtaine présentait à l’opinion publique le Projet Santé. Pour la première fois une force politique valdôtaine, partant d’une analyse approfondie de la situation sanitaire de la Région, se proposait d’encadrer le problème de la santé du citoyen dans le contexte du développement social et économique de la société valdôtaine.
On affirmait, entre autres choses, l’exigence de réaliser « un système de sécurité sociale conçu à la mesure de la population, dans l’intérêt des Valdôtains et réaliser comme un moment d’active démocrate de participation et comme expression de l’esprit d’initiative et de responsabilité de notre communauté.

En plus de préciser les principes informateurs et les objectifs d’une nouvelle et innovatrice politique sanitaire en Vallée d’Aoste, le « projet » délinéait une programmation dans le secteur à bref et à long terme, par de concrètes propositions opérationnelles de réforme des services sanitaires existant et d’installation de nouvelles structures techniques – organisationnelles et administratives.
Si parmi les intentions de l’initiative de l’Union Valdôtaine il y avait celle de provoquer un ample débat sur les problèmes de la santé, dans une vision globale et constructive entre les forces politiques et sociales locales, il faut constater avec amertume l’échec de ce but.
A la rigueur, seul le Parti Communiste et les organisations syndicales confédérales ont cherché une approche globale aux problèmes en l’affrontant toutefois en termes abstraits, sino démagogiques et velléitaires et jamais sur le plan d’une confrontation constructive et de collaboration.
La majorité des forces politiques s’est bornée à promouvoir ou à soutenir des initiatives sectorielles, en défense, souvent, d’intérêts particuliers ou, pis encore, à développer de faciles polémiques sans formuler des propositions manifestant une concrète volonté de réforme.

Même dans ce cadre difficile, la Junte Régionale et les amis unionistes qui se sont succédés à la charge d’assesseur à la santé et assistance sociale, ont concrètement porté de l’avant, durant ces dernières années, le programme du Mouvement.
Il convient peut-être de citer les dispositions plus significatives ; •l’institution du département d’urgence et de prompt secours, même si sa réalisation pratique rencontre d’obstacles pour diverses raisons, entre autres celle de la conflictualité entre les administrateurs et les opérateurs de l’organisme hospitalier régional ;

  • l’approbation de la réalisation d’un dispensaire général spécialisé dans la Basse Vallée ;
  • l’approbation de la loi régionale pour les services en faveur des personnes âgées ;
  • l’approbation de la loi régionale pour l’institution des dispensaires familiaux ;
  • l’approbation de la loi cadre régionale pour l’organisation des services sanitaires et socio-sanitaires ;•la déclaration des services de laboratoire par l’institution de centres de prélèvements pour analyses répartis sut tout le territoire ;
  • les plans de restructuration du réseau hospitalier.

Deux dispositions méritent d’être analysées, parce que pour la fonction de programme qu’elles impliquent, elles détermineront les structures portantes de la nouvelle organisation de la santé dans la Région.
Une regarde la gestion, l’autre l’assistance hospitalière.
Il s’agit en premier lieu de la loi régionale n° 60 du 29 novembre 1978, sur l’organisation des services sanitaires et socio-sanitaires de notre Région.
Avant tout elle suppose une étroite intégration des activités sanitaires et d’assistance sociale pour obvier à l’absurde dichotomie existant en Italie, en antithèse avec la définition formulée par l’Organisation Mondiale de la Santé, selon laquelle la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement dans l’absence de maladie ou d’infirmité.
De ce concept dérive l’exigence d’affronter les problèmes de la santé non seulement dans le sens curatif mais en premier lieu sous l’aspect préventifs, étroitement lié à celui de la réadaptation.
Et c’est en cohérence avec cet objectif de l’unité des interventions, d’efficience des services et d’efficacité de la dépense sanitaire que l’organe qui gérera la santé et l’assistance sociale, c’est-à-dire l’Unité locale des services sanitaires et sociaux, sera unique dans toute la Région.
Ceux qui ont soutenu et soutiennent encore la thèse de deux ou plus unités sanitaires locales ne sont pas mus évidemment par des intentions de rationalité mais plutôt par des intérêts de pouvoir, et les subreptices motivations alléguées tendent tout au plus à briser l’unité de la Région et à privilégier le centre aux dépens du reste du territoire.
En effet, au cas où l’on aurait opté pour plus d’une U.S.L., celle aboutissant à Aoste aurait administré l’Hôpital.
Dans une région comme la Vallée d’Aoste, où les instruments hospitaliers sont situés à Aoste, une telle hypothèse organisatrice aurait accentué ces difficultés, aujourd’hui en acte, d’expansion de l’Hôpital vers tout le territoire périphérique, avec l’utilisation de ses structures, de son personnel, spécialement pour les services de médecine préventive et de réadaptation.
D’autre part la solution d’une U.S.L. ne peut être interprétée comme un choix centralisateur, parce que le moment autonomiste, de participation et de contrôle démocratique se réalise en premier lieu dans la plus petite unité de gestion, c’est-à-dire à niveau du district où s’articule l’U.S.L.
A propos des districts sanitaires, auxquels la loi régionale délègue d’importantes tâches de gestion dans les interventions au premier niveau, il est nécessaire de préciser les compétences des Communautés de montagne dans le secteur de la santé et de l’assistance sociale.
On connait les divergences d’opinions au sujet du rôle des Communautés de Montagne dans ce secteur, soutenues d’un côté par d’autres forces politiques, en premier lieu les démocrates populaires.
Tandis que de la part de ces derniers il y a une défense à outrance des communautés de montagne, notre Mouvement soutient l’incompétence de celles-ci dans les domaines de la santé et de l’assistance, non seulement parce que la loi de l’Etat institutive et celle régionale ne prévoient pas de telles compétences pour les Communautés de Montagne mais surtout parce que en base aux lois de réforme les destinataires en matière de santé et d’assistance sociale sont les Communes, seules ou associées.
Que la thèse de l’incompétence des Communautés de Montagne, soutenue par l’Union Valdôtaine et reçue dans la législation régionale soit juste, cela est démontré par le fait qu’au niveau national on conteste la nécessité même des Communautés de Montagne et tant qu’organisme intermédiaire.
Avec ceci on ne veut pas méconnaître l’effort entrepris ces dernières années par quelque communautés de montagne pour se donner une organisation sanitaire à la mesure des exigences locales, même si en dehors de toute programmation régionale; cela démontre au contraire que les administrations locales ont senti l’exigence de participer à un discours d’organisation décentralisée de la santé, ce qui devra se faire par le moyen du district socio-sanitaire.
Si la future organisation sanitaire dans notre région se dessine avec précision dans ses lignes fondamentales, c’est-à-dire : la Région programme, coordonne et contrôle les activités par son pouvoir normatifs, l’unité locale des services socio-sanitaires gère les interventions d’intérêts multizones ou régionaux (Hôpital, consortium antituberculeux, laboratoires d’analyse, assistance sanitaires, jadis de compétences des « mutue »), le district socio-sanitaire gère les service de base (hygiène de l’ambiance, prévention, soins, réadaptation dans le secteur de la maternité et de l’enfance, assistance à domicile, d’infirmière, pharmaceutique..) il est indispensable que les phase d’application comporteront de nombreux problèmes et difficultés.
Il sera nécessaire avant tout de compléter le transfert des compétences administratives de l’Etat à la Région, comme prévu par les normes d’application du Statut spécial, et que les interventions dans le secteur de la Santé soient coordonnées avec celles des autres secteurs économiques dans l’ensemble d’une programmation de plusieurs années et de la plus ample participation démocratique.

En second lieu, en dehors des principes contenus dans la loi nationale de réforme sanitaire, il faudra une action législative du Conseil régional adhérente aux exigences et aux caractéristiques de l’ethnie, de la société, de la culture, du milieu et de la géographie de notre région.
Une abstraction de la réalité valdôtaine et une re-proposition simpliste de modèles d’autres régions, seraient destinés à introduire des instruments inadéquats et velléitaires, non conformes à l’attente et aux nécessités de notre population.
Dans ce nouveau cadre politique-institutionnel de la santé régionale, le problème de l’assistance hospitalière assume un relief particulier. Ce qui ne signifie pas que l’hôpital doit être l’unique et la plus importante structure du système sanitaire, loin de là ; précisément parce qu’il devra agir en étroite collaboration avec les autres, il devra être mis dans les conditions d’accomplir parfaitement les fonctions de centre de deuxième niveau et de s’étendre sur tout le territoire.
Les facteurs de crise de l’hôpital sont multiples: le conflit interne et avec les autres organes de l’administration, la carence de personnel qualifié, le manque de « filtres » sur le territoire, l’imperfection des bâtiments. Avec la suppression de la personnalité juridique de l’organisme hospitalier prévue par la réforme sanitaire, la gestion sera confiée aux organes de l’Unité sanitaires locale. C’est l’occasion pour instaurer sur de nouvelles bases de collaboration réciproque les rapports entre administrateurs et opérateurs sanitaires, entre organes régionaux et forces syndicales, entre les divers opérateurs.
Il est clair que pour une efficace assistance du malade il faut d’abord disposer d’un personnel qualifié et à même de remplir sa tâche. D’où l’exigence, de la part de la région, de formuler e concrétiser des plans dans ce secteur, en vue des nécessités du territoire.
L’hôpital, doit, en définitive, être mis à même de remplir pleinement les fonctions de centre de deuxième niveau, ce qui signifie que c’est à lui que doivent accéder les malades qui ont effectivement besoin d’hospitalisation et qui ne peuvent pas être assisté au niveau de la médecine générique et par des dispensaires spécialisés comme celui prévu pour la Basse Vallée.
Une réduction des charges d’assistance de l’hôpital et une efficiente organisation des services fondamentaux sont des facteurs indispensables pour une correcte assistance hospitalière.
Le plan sanitaire régional devra établir clairement les divisions et les services destinés à trouver leur siège dans les structures hospitalières de la Région, en évitant la prévision de services super spécialisés non justifiables ni sous l’aspect de l’effective demande ni sous celui économique financier. Pour des interventions de cette nature il faudra nécessairement faire recours à des structures d’autres régions ou de pays voisins avec lesquels devront être pris des accords précis, de manière qu’il y ait de la part des usagers valdôtains la certitude de pouvoir y accéder.
Les projets exécutifs pour la restructuration de l’hôpital général régional, qui prévoient la construction d’une « piastra » et la réalisation technique de nouveaux services, ont été rédigés, de sorte qu’il est nécessaire de les appliquer sans autres délais.
Le vieux problème de l’utilisation de Beauregard aussi est acheminé vers une solution positive grâce au récent accord entre les forces politiques de la majorité.
Importante aussi la question de la propriété des immeubles de l’Ordre Mauricien. Egalement dans ce cas, grâce à l’active intervention de notre Sénateur durant la discussion au Sénat du projet de loi sur l’institution du service sanitaire national, on a jeté les bases pour arriver à un règlement des rapports réciproques.
La loi du 28 décembre 1978, n. 833 prévoit en effet que d’ici le 31 décembre 1979 l’Etat, par une propre loi, établira, après avoir entendu les Régions intéressées, les nouveaux règlements de l’Ordre Mauricien pour ce qui concerne l’assistance hospitalière et des accords convenables ou des conventions règleront les rapports entre la Région Vallée d’Aoste et l’ordre pour ce qui concerne l’utilisation de l’hospice d’Aoste.
Si les perspectives générales apparaissent favorablement orientées pour la solution de quelque problèmes l’Union Valdôtaine n’entend pas sous-évaluer les difficultés qu’il est nécessaire de surmonter pour réaliser un système achevé de protection de la santé des citoyens.
Le Mouvement est toutefois conscient qu’il s’agit d’un problème prioritaire et c’est comme tel qu’il entend l’affronter, et par conséquent il souhaite que toutes les forces politiques, sociales, syndicales valdôtaines intéressées manifestent une volonté politique analogue.


CONCLUSIONS
Les thèses que nous venons de soumettre à l’attention et à la discussion du Congrès National ne constituent pas, ainsi que nous l’avons déjà annoncé, un projet définitif. Ce ne sont que des indications provisoires que le programme d’action de l’Union Valdôtaine pendant l’actuelle législation.
En préparant ces thèses le Comité Exécutif n’a pas eu la prétention de définir les contenus du modèle de société auquel notre Mouvement vise. Nous connaissons nos forces et nos limites et nous savons que la marche vers une société fédéraliste ne peut être entreprise que par l’apport de plusieurs fores politiques, à travers une action conjointe et parallèle des partis et mouvements autonomistes, des partis et mouvement fédéralistes, des mouvements écologistes, des libres associations politiques et culturelles, etc. Cette marche pourra être imprimée par le futur Parlement Européen, à condition cependant que celui-ci ne soit pas un super parlement de marque étatique.
Nos indications ont toutefois la volonté d’amorcer cette transformation. Pour établir nos thèses dans les différents secteurs nous sommes partis du rappel de notre passé afin de connaître ce qu’ils ont représenté dans la vie de notre communauté ; nous avons ensuite analysé l’état actuel et l’action que ces secteurs exercent, les influences et les modifications qu’ils déterminent sur la réalité valdôtaine. Nous avons ainsi pu formuler des indications programmatiques qui devront influer sur cette réalité même. Ce programme de base devra servir à drainer d’abord la dénaturation progressive de notre communauté et à redresser ensuite cette situation. Il devra servir à donner à la communauté valdôtaine la conscience, la force et la capacité de maîtriser les phénomènes de colonisation, de secouer le joug que nous subissons, de nous libérer de la sujétion politique, culturelle et économique de l’Etat.
Certes, même en réalisant entièrement ce programme, nous serons encore bien loin de la société fédéraliste qui est notre but final, de cette société libertaire, égalitaire et autogestionnaire qui jusqu’à hier était définie une pure utopie, un projet irréalisable voire détournant. Aujourd’hui certains grands partis commencent à repenser leur attitude vis-à-vis de la doctrine fédéraliste et à accepter certains de ses principes.
Nous ne devons donc absolument pas avoir crainte – même devant les attaques les plus dures et les accusations les plus brutales que des partis italiens continueront à nous lancer – de prêcher cette société fédéraliste et d’en indiquer le chemin.
Ce que nous nous proposons de réaliser dans le futur immédiat n’est certainement pas encore la déprolétarisation, le Minimum Social Garanti, l’autogestion, la planification de la production pour rendre le service maximal, ou les grands principes de notre doctrine. Nos indications vont cependant vers cela. Demander et réaliser une plus grande participation des communautés inférieures, développer une plus juste adéquation des pouvoirs, partager les responsabilités et les contrôles, réactiver les différentes formes de coopération constitue une approche à la société fédéraliste qui doit être atteinte par degrés en grignotant petit à petit la souveraineté de l’Etat pour transférer aux communautés de bases et en modifiant les attitudes, les pouvoirs, les valeurs de la société présente en vue de celle de demain. A’ côté des indications que nous avons fournies, d’autres réalisations concrètes pourraient être entreprises à ce but. Les possibilités sont tellement nombreuses qu’il ne reste que la difficulté du choix.
Pourquoi par exemple, ne pas transformer le service militaire en un service social, utile à la communauté valdôtaine? Le gouvernement régional devrait entreprendre une action auprès du gouvernement italien afin que nos conscrits puissent accomplir leur service militaire en VDA et être utilisés pour des services sociaux : reboisements, corvées sur les routes et les sentiers, ruisseaux pour l’écoulement des eaux sur nos alpages et d’autres travaux d’utilité publique. Ce service qui deviendrait rentable à la communauté donnerait un sens à la vie militaire, habituerait tous les jeunes aux travaux manuels et il les rapprocherait aux besoins et à la réalité de notre Vallée.
De cet exposé il est évident que l’U.V. a choisi de réaliser ses desseins à travers la participation à la gestion de l’administration publique à tous les niveaux et dans la mesure que sa force électorale le lui permet. Elle n’a pas de préclusions envers aucune force donnant les garanties suffisantes de démocratie. Notre Mouvement, faute d’une majorité de forces autonomistes valdôtaines, accepte donc de travailler avec les partis démocratiques italiens à condition cependant que ceux-ci respectent et œuvrent pour l’épanouissement du caractère ethnique et linguistique de la communauté Valdôtaine, pour un retour à sa culture et à ses valeurs, pour une réappropriation de l’économie de sa part.
Le choix de nos partenaires doit donc être fait d’après cette condition. A cet égard il nous semble nécessaire de faire quelques brèves considérations sur les forces politiques qui agissent en VDA, en commençant par celle qui nous est la plus proche.
Au moment du Congrès de la réunification, en décembre 1976, nous avions essayé de réunir tous les anciens tronçons de l’U.V. Malheureusement à cause de certaines incompréhensions, d’une optique politique différente et surtout de l’action extérieure d’autres mouvement et partis une fraction de l’U.V.P., faisant chef à l’ancien sénateur Fillietroz, n’avait pas voulu adhérer à notre projet. Malgré cela nous nous étions dès lors, posé le but de compléter notre réunification. Ainsi après les élections du 25 juin 1978, les organes de l’U.V. ont décidé de tenir des rapports prioritaires avec ce Mouvement, ce qui a été fait à traves la collaboration dans l’actuelle majorité au Conseil Régional. Mais nos visées vont bien au-delà. Issue de la matrice idéologique et doctrinaire de l’U.V., l’U.V.P. doit rentrer dans son berceau. Ainsi nous lui renouvelons aujourd’hui l’invitation de hier, afin qu’en unissant nos forces nous puissions poursuivre notre but commun : l’unité du peuple valdôtain.
Pour ce qui concerne les Démocrates Populaires, il faut bien dire que l’U.V. avait vu de bon œil leur détachement du parti italien et la formation d’un mouvement autonome. Nous leur reprochons cependant de s’être arrêtés sur des positions qui nous semblent uniquement régionalistes. S’ils sauront franchir se seuil en acceptant notre doctrine autonomiste et fédéraliste, un discours nouveau pourra être fait entre nous, discours qui devrait arriver à la formation d’un mouvement unitaire ainsi que nous verrons à la suite.
Les partis de la gauche, tout en parlant d’unité d’action, se présentent à nos yeux assez nuancés. Pas de possibilité actuellement de collaborer avec l’extrême gauche d’avec laquelle nous divisent la position sur le problème linguistique et la conception de l’autonomie. Le PSI, sorti fractionné de la dernière campagne électorale, s’est mis de sa propre volonté à l’opposition. Avec le PCI, nous avons collaboré longuement dans le passé et nous pourrions encore le faire, même si à notre avis ses intérêts sont trop unilatéraux.
Parti de masse dans l’Etat italien, le PCI en Vda aussi privilège trop l’élément ouvrier de l’usine au détriment des autres classes telles que celle paysanne ou certains éléments du tertiaire : de là son intérêt principaux aux problèmes économiques généraux et son peu de soucis pour les problèmes culturels, ethniques et linguistiques valdôtains. Et même si en ces derniers temps ils ont essayé de se rattraper, leur credo dans l’unité de l’Etat est incompatible avec notre vision autonomiste et fédéraliste.
Du côté de la D.C. dans laquelle prédomine encore l’élément paysan l’on note, surtout à la périphérie, un intérêt pour le problème valdôtain, mais le manque de cohésion de ce parti montre la difficulté de conciliation entre une position nettement autonomiste et l’appartenance à un parti stato national. Les autres partis, à l’exception du PRI où l’empreinte régionaliste nous semble être plus marquée, ne se distinguent pas de leurs centrales romaines. Or étant convaincus que pour réaliser une partie au moins de notre programme il est nécessaire d’être présents à l’exécutif régional et n’ayant pas d’autre part la majorité absolue il nous faut prévoir des alliances. Celles-ci, nous l’avons dit, ne peuvent être que subordonnée à l’acceptation de la part des partis italiens d’une politique qui vise aux buts que l’U.V. se propose. Nous ne pouvons donc pas prévoir et établir, ainsi que l’on fait d’autres mouvements autonomistes, des alliances unilatérales. Les partis italiens ont subi dans le passé, subissent et pourront subir dans le futur des directives de leurs centrales romaines qui les placent, tour à tour, dans une situation de consentement ou d’opposition à la politique unioniste et valdôtaine. Tour à tour ces partis ont eu à l’égard de plusieurs problèmes qui nous touchent une attitude favorables ou contraire. C’est cette attitude qui doit déterminer nos alliances présentes et futures. Ainsi nous pourrions donc retenir encore valable le point C de l’ordre du jour que le Comité Central de l’UV vota le 16 janvier 1966 pour lequel « Les futures alliances politiques de l’UV dépendront toujours et seulement du comportement et de la volonté des partis politiques nationaux, vis-à-vis du problème minoritaire et statutaire ». Réserve faite de certaines imprécisions de vocabulaire et des nouveaux buts de l’UV, celle-ci doit encore être la position actuelle et future de notre Mouvement.
Ceci signifie nullement avoir la prétention d’être l’aiguille de la balance de la politique valdôtaine. Nous sommes tout simplement conscients d’avoir une personnalité et une identité bien définie qui nous distingue des partis italiens et d’autres mouvements valdôtains défunts ou vivants. Nous avons notre personnalité et notre identité politique et c’est celle-ci que nous essayons de faire respecter. Et nous avons nos propres buts que nous essayons de porter de l’avant en nous servant aussi des autres forces politiques en attendant que la conscience retrouvée de l’unité valdôtaine puisse donner aux Valdôtains la possibilité d’agir par eux-mêmes, par leur propre force. Mais nous sommes aussi conscients que l’on ne peut pas étiqueter exactement et définitivement les partis italiens en progressistes, conservateurs, démocratiques, totalitaires, etc. car le progressisme et le conservatorisme ont plusieurs faces et la « démocratie » peut souvent devenir « totalitaire ». Fédéraliste que nous sommes, nous ne croyons pas aux monismes politiques. Au monisme ou avec les uns ou avec les autres, nous remplaçons le pluralisme et avec les uns et avec les autres à selon des circonstances, des moments, des nécessités.
Notre attitude n’est donc pas équivoque car l’UV n’entend nullement, à travers les alliances, se mettre au service des partis italiens, mais bien au contraire s’en servir, en attendant. Evidemment ceux-ci voudront en faire autant. Il s’agit pour nous de savoir connaître la limite jusqu’où la contraposition de ces deux volonté reste encore favorable à notre action. Au-delà de cette limite il faut avoir le courage de revenir à l’opposition ou de choisir d’autres chemins.
D’autre par le but de l’UV est d’arriver à créer autour d’elle l’unité du Peuple Valdôtain. En effet seulement à travers la lutte de tous les Valdôtains – et lorsque nous parlons de Valdôtains nous voulons entendre tous ceux qui, au-delà de leur origine, ont embrassé la cause valdôtaine – nous pourrons parvenir à notre émancipation totale. Mais cette unité n’exclut pas que l’on doive se préoccuper prioritairement des classes les plus déshéritées. Bien au contraire, faire prendre conscience aux classes plus privilégiées de notre état de colonisation intérieure, signifie mettre en marche un processus d’émancipation sociale et économique dont les avantages iront avant tout aux classes plus faibles, notre but étant la déprolétarisation et le dé massification.
Les lignes programmatiques que nous proposons veulent justement préparer le chemin de cela.Que les Valdôtains redevenant maîtres de leur culture, de leur politique et de leur économie se sentent avant tout hommes dans leur patrie ancestrale, citoyens d’une civilisation franco-alpine, partenaire de l’Europe fédérale de demain.

RESOLUTIONS

POLITIQUE

Le 1er Congrès National de l’U.V. réuni à Saint-Vincent les 23-24-25 mars 1979,

après avoir longuement débattu le programme d’action future de l’UV

approuve les thèses présentées par le C.E. du Mouvement, avec les suggestions apportées par les différents représentants des Sections, comme éléments de base pour sortir de la colonisation culturelle, sociale, politique et économique dans laquelle se trouve notre région et comme premier moyen pour marcher vers notre autodétermination.

Engage les organes responsables, les conseillers régionaux et communaux et tous les administrateurs du Mouvement à œuvrer en tenant compte de ces indications programmatiques.
Demande à tous les autonomistes de s’unir à notre combat dans l’unité du peuple valdôtain.
A ces fins il invite chaleureusement l’UVP à unir ses forces à celles de l’UV pour poursuivre le but commun de l’unité et du progrès du peuple valdôtain ;
souhaite que les DP sachent dépasser leurs actuelles positions axées sur le régionalisme et, acceptée la doctrine fédéraliste et autonomiste de l’UV, l’on puisse arriver à la formation d’un grand mouvement unitaire ;
réaffirme le principe que les alliances politiques, étant donné que l’UV n’a pas encore la majorité absolue et qu’il faut, pour réaliser au moins en partie notre programme, être présents à l’exécutif régional, dépendront toujours et seulement du comportement et de la volonté des partis stato-nationaux vis-à-vis du problème minoritaire et statutaire valdôtain ;
réaffirme son profond attachement aux principes de la doctrine autonomiste et fédéralistes et s’engage à réaliser la souveraineté politique du Val d’Aoste par les voies démocratiques afin de seconder l’aspiration du peuple à l’autogouvernement dans le cadre d’une Europe unie des peuples.

 *******POUR LES MINORITES

Réaffirmant tout d’abord le droit de chaque peuple à son autodétermination ;

Soulignant que les minorités ne sont pas telles par leur choix, mais à la suite d’imposition de différente nature ;

Rappelant que la « Déclaration des représentants des peuples des Alpes » (la Charte de Chivassso du 19 décembre 1943) représente un des plus importants documents politiques et sociaux de la Résistance, car elle mettait en relief la nécessité, dans le cadre d’une structure fédéraliste du nouvel Etat, de reconnaitre les droits fondamentaux des minorités ethniques et linguistiques que le centralisme de l’Etat à partir de 1861 a niés ;

Vu que même l’art. 6 de la Constitution affirme vouloir protéger les minorités linguistiques par des dispositions spéciales, mais constatant d’autre part que ce principe est devenu pratiquement lettre morte ;

Ayant constaté que parmi ces minorités il y a plusieurs différences telles que la situation territoriale, le degré d’aliénation linguistique, la situation socio-économique ;

DELIBERE

de donner mandat aux représentants élus de l’Union Valdôtaine dans les différents domaines de la vie politique d’agir toujours dans la perspective de la coopération entre communauté et pour la promotion de toutes les initiatives visant à rendre concret l’art. 6 de la Constitution.

 *****VALLE D’OSSOLA

Le 1er Congrès National de l’Union Valdôtaine réuni à Saint-Vincent le 25 mars 1979.

Fidèle aux principes du fédéralisme selon lesquels les communautés doivent gérer elles-mêmes leur propre avenir ;

Conscient que l’autonomie politique et administrative représente un pas de plus sur le chemin de la constitution d’un nouvel ordre économique et social fondé sur le fédéralisme intégral ;

Ayant constaté que trop souvent les peuples des Alpes ont été tenus à l’écart de toute décision et de tout programme, ce qui a effacé ainsi leur rôle dans la société moderne ;

Invoquant les principes indiqués par Emile Chanoux dans son « Fédéralisme et autonomies » principes qui demandent le respect des droits et de l’Histoire de chaque peuple des Alpes ;

Vu la nécessité d’une action coordonnée et unitaire pour la sauvegarde et la promotion du droit des peuples au « self government » dans le cadre d’une Europe unie ;

DELIBERE

de lancer une campagne populaire pour la souscription de signatures demandant la création de la région autonome « Val d’Ossola – Cnnnobina » ;

D’œuvrer activement, à tous les échelons où le mouvement est présent, afin de parvenir au résultat de donner au peuple du Val d’Ossola la possibilité de s’Administrer lui-même.

*****EUROPE

Après avoir débattu de la position que la partitocratie italienne a pris à l’égard de la Vallée d’Aoste et, en général, de toutes les communautés sur la loi pour les élections du Parlement Européen au suffrage direct ;

ESTIME que pour parvenir à la constitution et à l’intégration politique et économique européenne il est nécessaire de dépasser le stade de la souveraineté des Etats actuels et il faut que le Parlement Européen se transforme en Constituante Européenne ;

AFFIRME qu’il est indispensable, à ces fins, que ce Parlement soit également composé des représentants des communautés ethniques et linguistiques et des mouvements autonomistes et fédéralistes ;

CONDAMNE les partis stato-nationaux qui négligé l’art. 6 de la Constitution italien ;

DECLARE
 sa ferme volonté de poursuivre la lutte afin que les droits du peuple valdôtain et des autres communautés soient reconnus à tous les niveaux ;

DECIDE,

en conséquence, de dénoncer à l’opinion publique le comportement des partis italiens, de moins en moins dignes de confiance, responsables de la crise de la société actuelle ou incapables de l’administrer, et en proie désormais à un jacobinisme qui les rend ennemis de toute démocratie véritable ;
Lancer un message d’autonomie et de fédéralisme qui va s’élever sur le débris d’un centralisme agonisant et sans espoir et qui souligne la valeur de la diversité face à la massification ;
Présenter dans les cinq circonscriptions électorales italiennes une liste de l’Union Valdôtaine regroupant les représentants des différentes communautés ethniques et linguistiques englobées dans l’état italien, des groupes autonomistes, culturels et indépendants présents à l’échelon socio-économique et demandant l’appui de tous ceux qui ont compris l’inutilité croissante des partis stato-nationaux ;
Inviter tous les Valdôtains et les autres forces autonomistes, régionalistes et indépendantes à se rallier sous le lion unioniste afin que l’unité d’esprit et d’action nous permettre de marcher vers la conquête de nos droits et la construction d’une nouvelle société fédéraliste.